Trois ans après l’assassinat de Samuel Paty auquel la FSU souhaite rendre hommage, l’horreur et l’effroi nous ont saisi à nouveau avec l’assassinat terroriste de Dominique Bernard, professeur de lettres, dans son établissement, à Arras vendredi dernier. Trois autres personnels sont aussi grièvement blessés. L’émotion est vive car c’est le cœur de l’École publique et laïque qui est une nouvelle fois touché. C’est encore un professeur qui est assassiné parce qu’il faisait son métier. C’est l’École et ce qu’elle représente qui est attaquée, une École émancipatrice qui forme les jeunes et leur ouvre les horizons grâce à l’accès aux savoirs et au débat. La mobilisation autour de l’École doit être totale pour protéger l’ensemble des élèves et des personnels et pour permettre à toutes et tous les enseignant
Si l’État doit prendre toutes les mesures pour assurer la protection des personnels et des élèves, l’École doit, avant tout, continuer à œuvrer pour que les jeunes puissent devenir des citoyen.nes conscient.es et émancipé.es. Elle doit être dotée de tous les moyens nécessaires pour lutter contre toute forme de fanatisme et pour permettre l’émancipation effective de tous les jeunes. Toute la société doit être soudée derrière l’École et la soutenir dans cet objectif.
En tout premier lieu, il y a nécessité de mettre fin à la politique éducative engagée depuis 6 ans par le Président Macron qui fragilise l’École, ses missions et ses personnels.
Celle-ci brutalise en effet tous les pans du système éducatif, tous les personnels, tous les élèves. Elle affaiblit l’École de la République, obligatoire, gratuite et laïque.
L’augmentation de 6,5% du budget de l’Éducation Nationale, annoncée comme historique par le Ministre ne l’est absolument pas. Absorbée par des promesses de revalorisation, très largement insuffisante et l’inflation, ce budget est au contraire bien dérisoire pour répondre aux besoins de l’École.
Ce budget ne permettra pas non plus de répondre à la problématique de l’attractivité au moment où le ministre lance un chantier pour faire face au manque de candidats aux concours enseignants.
Créations de postes, salaires, droit des personnels nécessitent un investissement majeur, condition essentielle pour un Service public d’Éducation à la hauteur des enjeux.
Au contraire, l’annonce de la suppression de 1709 postes, dans le 1er degré, à la rentrée 2024 est choquante, alors même que sur le terrain, le manque de moyens est criant, à commencer par celui du remplacement. Au lieu de profiter de la baisse démographique pour améliorer les taux d’encadrement, augmenter les départs en formation, assurer les remplacements ou reconstituer les RASED, le ministère continue sa politique de suppression de postes tout en prétendant développer la scolarisation à deux ans ou continuer les dédoublements des Grandes sections en éducation prioritaire.
Après avoir détricoté la 6e, en complexifiant son organisation au profit d’un dispositif (soutien/approfondissement) dont la pertinence interroge, le ministre lance une mission expresse - 8 semaines - sur la constitution de classes de niveau ! La recherche a pourtant, depuis longtemps, très clairement, démontré les effets négatifs de telles organisations, sauf à vouloir engluer chaque élève dans le déterminisme scolaire attaché à son origine sociale, quel progrès !
Les réformes du lycée, du bac et de Parcoursup conduisent les élèves à un état de stress jamais rencontré, ce dont rend compte le rapport de l’inspection générale et dont nous constatons tous les jours les dégâts dans nos classes. Le calendrier du bac, contesté dès le début par la FSU, enfin décalé à juin, ne règle pas tout, tant les programmes restent difficiles à tenir, sauf à perdre une partie des lycéens, tant le grand oral, sans temps dédié de préparation, reste mal défini. Quant à Parcoursup, dont l’objet est de rendre l’accès à l’Université sélectif, mais aussi d’offrir une nouvelle visibilité aux formations privées, on constate qu’il continue à laisser de côté bon nombre de lycéens, sans mieux faire réussir les autres dans l’enseignement supérieur. Nos élèves payent le prix de ces réformes, qui les angoissent, alors que dans le monde troublé qui les entoure, l’École devrait les rassurer et les accompagner dans l’accès aux qualifications du supérieur.
Calquer le fonctionnement du LP sur celui du CFA et de l’apprentissage est l’objectif du Président.
Les sommes consacrées aux lycées professionnels ne peuvent se comparer à celles que l’État déverse généreusement et sans contrôle aux formations privées depuis 2018.
En 2021, avec 800 000 contrats signés, le coût des aides aux employeurs d’apprenti es s’élevait à plus de 5 milliards d’euros, à 80 % pour financer des formations privées.
Le gouvernement veut embourber la formation professionnelle dans une vision adéquationniste, qui n’a rien de nouveau et a déjà fait preuve de son inefficacité dans le passé.
Au lieu de former à un métier, la France formerait à des postes, suivant les besoins immédiats de ses différents bassins d’emploi et de ses entreprises, à grand coups de subventions.
Cette vision simpliste et dénuée d’ambition pour la jeunesse amènera fatalement une baisse du niveau global de qualification et à terme de la compétitivité du pays, tout en augmentant les dépenses publiques.
Si la Nation doit faire corps avec l’École, ce ne doit pas seulement être dans les moments tragiques. Il est temps que le pouvoir en place écoute les personnels et ses représentant es, car les personnels sont en colère face aux mêmes discours qu’il y a trois ans alors qu’ils doivent faire face à des politiques qui les affaiblissent.
En colère parce qu’ils sont pour le Président, aujourd’hui des remparts, quand ils étaient, hier, inutiles au redressement du pays !
En colère parce que leurs missions sont aujourd’hui essentielles face à l’obscurantisme pour le ministre, lui qui n’hésite pas à les malmener en voulant alourdir leur charge de travail à coup de pacte, de formations le soir ou pendant les vacances.
En colère parce qu’indispensables pour transmettre les valeurs de la République et la liberté d’expression, mais bâillonnés par la loi pour l’École de la confiance, trahis par le fonds Marianne.
En colère de voir leurs conditions de travail aggravées et leur professionnalité remise en cause par des injonctions et des réformes à rebours des besoins.
En colère face aux mensonges sur leur revalorisation.
De la colère ne naît jamais rien de bon, au ministre et au Président d’y répondre pour l’apaiser.
La FSU continuera de pleinement jouer son rôle de représentation des personnels, continuera de porter leur parole avec force. Elle engagera, avec les personnels, les actions et les rapports de force nécessaires pour transformer l’École et la société.
20 octobre 2023