Déclaration liminaire FSU
Formation spécialisée en santé sécurité et conditions de travail – académie de Limoges
4 juillet 2025
Madame la rectrice,
Mesdames et messieurs les membres de la formation spécialisée en santé sécurité et conditions de travail de l’académie de Limoges,
Nous voici réunis une dernière fois pour l’année scolaire 2024-2025. Avant d’entamer notre propos, nous souhaitons rendre hommage à notre collègue Mélanie Grapinet, tuée à l’âge de 31 ans devant le collège de Nogent où elle exerçait en tant qu’assistante d’éducation.
Ce meurtre, d’une violence inouïe, nous a autant saisi d’effroi que de sidération. Dans ce contexte, il pourrait sembler moins important d’aborder des sujets tels que les maladies professionnelles, les demandes de reconversion ou les ambiances thermiques. Et pourtant, c’est aussi cela, notre mission : continuer à penser le travail, à en débattre, à en améliorer les conditions.
Nous le ferons en songeant à Mélanie Grapinet, à sa famille, à ses proches, à ses collègues et à ses élèves.
Cette dernière séance de l’année scolaire se place sous les auspices des nombreux bilans qui nous offrent un éclairage précieux sur la santé et les conditions de travail de nos collègues.
Si les indicateurs ne sont pas toujours pleinement concordants d’un bilan à l’autre – selon qu’ils concernent le 1er ou le 2d degré, les enseignantes et enseignants ou les personnels non enseignants, ou encore selon la visibilité accordée aux AESH – ils dessinent cependant des lignes de force, et ce qui fait besoin.
L’inclusion des personnels en situation de handicap bénéficiaires de l’obligation d’emploi, si elle semble être plutôt meilleure qu’ailleurs, avec un taux d’emploi de plus de 5 % (soit plus d’un point au-dessus de la moyenne nationale) est encore en deçà de l’obligation légale.
Dans le domaine de la santé, on constate une continuité préoccupante : comme l’an passé, plus de 600 visites ont été effectuées par le service médical social infirmier. Le recours au réseau des RH de proximité ne se dément pas non plus, avec un tiers des rendez-vous dont l’objet concerne des reconversions professionnelles hors Éducation nationale et 20 demandes de rupture conventionnelle. Ces chiffres interrogent, une fois encore, sur l’attractivité réelle de nos métiers et nous rappellent aussi que l’Éducation nationale ne garde plus nécessairement ses fonctionnaires « à vie ». Ils témoignent également d’une crise majeure car au-delà des parcours personnels, ce sont nos conditions de travail qui posent question.
A cet égard, l’analyse du bilan du PAP 2024 comme celle des fiches du RSST nous renseigne de manière éclairante sur ce qui, de notre point de vue, les dégrade et mérite qu’on y porte remède. L’explosion du nombre de fiches SST au mois de juin 2025 en est un signal clair : elle témoigne de l’épuisement massif des agentes et agents, toutes catégories confondues.
Les faits de violences se multiplient, que ce soit de la part d’usagers, notamment d’élèves à besoins éducatifs particuliers accueillis dans des conditions insatisfaisantes voire inadaptées, ou de la part de parents. La violence physique envers les personnels ne fait plus exception. La violence verbale s’exerce, désormais, dans et hors les murs de la classe ; les outils numériques, loin de favoriser la communication entre les membres de la communauté éducative, exacerbent les tensions et les conflits, car la parole s’y trouve de fait décomplexée et parfois menaçante. Cela soulève, pour notre employeur, une question majeure : celle de la protection effective des personnels. En interne, les réponses sont parfois trop timides voire absentes. Protéger les personnels, c’est aussi sanctionner les auteurs et les autrices de violence.
La violence ne se limite pas – hélas ! – aux seules relations avec les usagers. Trop souvent, elle est aussi intrinsèque à l’institution. Les collègues sont fréquemment confronté es à des conflits au sein même de leurs équipes ou avec leur hiérarchie, conflits vécus – et souvent à juste titre – comme un manque de soutien, voire un abandon.
Depuis des années, nous alertons sur le nécessaire outillage des personnels d’encadrement et de direction aux questions SSCT et singulièrement aux risques psychosociaux. Il est plus que temps de sortir des logiques de sensibilisations ponctuelles pour aller vers une formation ambitieuse, obligatoire et généralisée, à la hauteur des responsabilités que ces personnels doivent assumer.
En cette fin d’année scolaire marquée par de nombreux pics de chaleur, l’enjeu du bâti scolaire ne peut être ignoré : les ambiances thermiques deviennent invivables pour les élèves ainsi que pour l’ensemble des personnels, qu’ils assurent les cours, la vie scolaire, l’entretien, la restauration, les surveillances ou les jurys d’examen. Ces conditions ont des répercussions graves sur leur santé physique et mentale.
Il est inadmissible que l’État continue de traiter les épisodes de canicule comme de simples événements passagers, en se limitant à des consignes ponctuelles d’adaptation, largement insuffisantes face à l’ampleur et à la fréquence croissantes de ces phénomènes. Nous ne pouvons que déplorer l’impréparation et la précipitation qui règnent au sommet de l’Etat. L’organisation des examens nationaux en est un des nombreux exemples, aucune mesure concrète n’a été anticipée pour protéger élèves et personnels. Nous réitérons ici notre demande que les examens nationaux, au collège, au lycée ou en lycée professionnel, soient organisés exclusivement le matin, afin de limiter les effets délétères des fortes chaleurs.
Dans le premier degré, ce sont trop souvent les équipes pédagogiques elles-mêmes qui, sans attendre les préconisations tardives du ministère ou les décisions locales de fermeture, ont dû improviser des solutions et développer des trésors d’ingéniosité pour rendre les temps de classe supportables et garantir la sécurité des élèves.
Ces pis-aller ne doivent cependant pas cacher l’impérieuse nécessité pour l’Etat de rompre son inaction. Il devient urgent qu’il engage une politique volontariste de rénovation écologique du bâti scolaire public, dans laquelle il prenne pleinement ses responsabilités, y compris financières. Il en va de la santé, de la sécurité et des conditions d’apprentissage des élèves comme des conditions de travail des personnels.
Ensuite, nous devons à nouveau alerter sur les effets délétères du déploiement du progiciel Op@le, qui continue d’épuiser les personnels concernés, au premier chef les secrétaires générales et généraux d’établissement, sans que le principe de sa généralisation n’ait jamais été questionné. La visite de notre formation spécialisée à la rentrée 2025 sera l’occasion d’objectiver les dégâts sur les humains de ce déploiement… mais hélas, bien trop tard, puisque le mal est fait !
Notre académie œuvre à l’égalité professionnelle femmes-hommes ; nous avons donc observé avec une attention particulière les données relatives au dispositif Stop Discri. Il demeure cependant extrêmement difficile, une fois encore, de tirer un véritable bilan du dispositif de recueil des signalements de violence, discrimination, harcèlement moral ou sexuel et agissements sexistes (VDHA). L’absence persistante de données qualitatives en limite fortement l’analyse. Comment, par exemple, interpréter que 5 situations sur 9 soient classées dans la catégorie floue des “autres” ?
Nous profitons de ce sujet pour aviser les membres de la formation spécialisée d’une nouvelle injustice infligée par le gouvernement aux agentes publiques en situation de grossesse. En effet, depuis le 1er mars, sous l’effet du décret 2025-197 du 27 février 2025 relatif à la rémunération des agents en congé maladie, les femmes enceintes sont victimes d’une perte de salaire de 10 % si elles sont placées en congé maladie après leur déclaration de grossesse mais avant leur congé maternité. Cette mesure conduit les femmes enceintes à faire un choix entre leur santé et leur situation financière. Elle constitue une discrimination fondée sur le sexe et la situation de grossesse, outre le fait qu’elle contrevient au droit européen et français. La FSU, avec l’ensemble des organisations représentant les personnels de la fonction publique, a saisi la défenseure des droits pour dénoncer cette iniquité et demande le retrait de cette disposition qui obère la santé des femmes au travail.
Notre académie a tout à gagner à déployer une politique de santé, de sécurité et d’amélioration des conditions de travail ambitieuse, pour la santé de ses agents actuellement mise à mal autant que pour l’efficacité et même l’efficience de notre service public. Le chemin a été tracé avec le renforcement de la médecine de prévention que nous avons accueilli favorablement. Mais pour faire vivre les préconisations que nous rédigeons conjointement – administration et personnels – lors des visites et des enquêtes, il convient de se doter de quelques moyens supplémentaires : un secrétariat du pôle SSCT pérenne et à temps plein, des conseillers de prévention départementaux ou conseillères de prévention départementales conforté es dans leurs missions et un véritable réseau d’assistants et d’assistantes de prévention, présent es dans chaque établissement et chaque service, pour faire vivre une prévention de terrain, au plus près des réalités. Ces moyens, à eux seuls, ne suffiront certes pas à transformer radicalement les conditions de travail de nos collègues du jour au lendemain. En revanche, madame la rectrice, ne pas satisfaire cette exigence minimale, reviendrait à mettre en grande difficulté toute politique de prévention en santé, sécurité et conditions de travail.
Madame la rectrice, depuis des années dans cette académie, nous avons avancé – parfois lentement, parfois par petits pas, souvent trop petits à notre goût… mais nous avons avancé ensemble. Convenons que procéder maintenant à un grand bond en arrière serait profondément préjudiciable.