Madame la Rectrice,
Mesdames et messieurs les membres de la Formation Spécialisée Santé Sécurité Conditions de Travail de l’Académie de Limoges,
Nous nous retrouvons pour la troisième fois de cette année scolaire. Les échanges sur les bilans de Stop-Discri, des conseillères RH de proximité ou celui des accidents de services et des maladies professionnelles ou de la politique d’inclusion des personnels en situation de handicap, qui vont occuper une partie de notre ordre du jour, sont pour nous des photographies recelant des indications précieuses pour apprécier la santé des personnels.
Sans nous appesantir dans le détail sur tous ces bilans dans notre propos liminaire, l’augmentation continue des prises de contact avec les CRHP depuis 2019 (principalement des enseignantes et enseignants du premier degré), la proportion croissante de demandes de reconversion, ainsi que les 29 demandes de ruptures conventionnelles reçues l’an passé doivent interroger dans un ministère que les personnels étaient peu enclins à quitter, pour ne pas dire fuir, dans le passé. Les conditions du recrutement mises en lumière dans la presse quotidienne régionale le 5 avril dernier, avec la baisse importante du nombre de candidates au concours externe d’accès au corps des professeures des écoles depuis 2022 en Limousin témoignent aussi de la baisse d’attractivité de nos métiers. Où faut-il aller chercher les raisons d’une telle désaffection pour un métier décrit rituellement comme une vocation ? Certainement dans des conditions de travail qui ne cessent de se dégrader, l’institution organisant la maltraitance de ses personnels.
Nous n’avons de cesse de dénoncer la valse des réformes successives menées sans concertation, à marche forcée, dont aucun bilan n’est jamais tiré.
En 2023, nous dénoncions la suppression de l’heure de technologie en 6e. Les professeures de technologie avaient pu bénéficier d’un accompagnement R.H. dans notre académie, ce que nous reconnaissons. Des formations liées à une évolution des programmes et la possibilité d’assurer l’heure de consolidation et d’approfondissement en 6e avaient été évoquées. Pour la rentrée 2024, la réalité sera tout autre. Plusieurs postes seront supprimés, les heures d’accompagnement en mathématiques disparaissant vont contraindre les collègues à enseigner sur un deuxième ou un troisième établissement (à rebours de la préconisation émise lors de l’enquête du CHSCT académique de 2018 qui pointait les conditions difficiles d’exercice dans cette discipline).
En 2024, nous dénonçons la réforme du lycée professionnel qui supprime 170 heures de contenus de formation en bac professionnel entraînant chez les PLP une perte de sens de leur métier. Ils et elles ne reconnaissent plus leur mission de service public dans les tâches d’accompagnement vers l’emploi ou de valorisation des « soft skills » qu’on leur assigne.
En 2024, nous dénonçons également le choc des savoirs. Pensée par des décideurs n’exerçant pas le métier et n’en connaissant pas nécessairement les contraintes, cette réforme fixe un objectif exorbitant aux professeures de français et de mathématiques de collège : remédier à l’échec scolaire par l’instauration de groupes de niveaux, de besoins, ... enfin de groupes d’élèves. Ce changement de paradigme aurait un sens si la recherche n’attestait de son inanité. Pour satisfaire une lubie ministérielle vendue à grand renfort de communication, les professeures de français et de mathématiques vont, si les décrets maintenant publiés s’appliquent, enseigner sur tous les niveaux, avec des progressions annuelles et des évaluations corsetées et bien entendu, sans temps dédié à la concertation. L’abomination de leurs conditions de travail aura pour corollaire une fragilisation de leur santé psychologique par la perspective de conflits éthiques insupportables : trier ou ne pas trier ?
Autre facteur de ce que d’aucuns qualifient de « crise de vocation » sans précédent, c’est la multiplicité des tâches demandées en l’absence de moyens pour les effectuer. Cet empilement administratif, s’il est notamment sensible chez les enseignantes, les CPE, les AED, les infirmieres ou les assistantes sociauxales, est d’autant plus prégnant chez les gestionnaires et les secrétaires d’intendance entrées dans la phase de généralisation d’Op@le. Engluées dans des saisies colossales, paralysées par un logiciel où tout retour en arrière est impossible, en somme empêchées de bien faire, ces dernieres finissent épuisées et coupées du collectif de travail. Leur charge de travail les submerge, les risques psychosociaux les envahissent. Malgré les mises à jour et l’appui technique du rectorat, la sixième vague est en train de les noyer.
Cette liste non exhaustive de facteurs endogènes donne le sentiment d’une incapacité de l’institution, peut-être elle-même surchargée de tâches absurdes et chronophages, d’être à l’écoute et d’apporter un soutien en cas de besoin. Mis en difficulté par les conditions de travail, les personnels sont souvent culpabilisés plus que soutenus, car notre tutelle peine à reconnaitre qu’elle ne met pas en œuvre ce qui permettrait d’exercer le métier dans des conditions acceptables.
Ce fut en tout cas l’un des enseignements de la visite du lycée Bastié menée à l’automne 2023. Dans la droite ligne de ce que nous venons d’énoncer, il nous paraît donc plus qu’opportun de poursuivre nos prochaines visites sur la même thématique du pilotage, de l’organisation du travail et de la communication au sein des unités de travail. Le choix du Lycée Bastié se justifiait parce que c’était un établissement qui, après avoir souffert d’un management maltraitant, allait mieux. La cellule de veille mise en place cette année dans notre académie s’attache, quant à elle, à enfin protéger les personnels et à assainir les rapports hiérarchiques dans des établissements qui ne vont pas encore si bien. Dans au moins un des établissements signalés par nous depuis des mois et même davantage, il semble que les actions entreprises par ce dispositif commencent à porter un peu leurs fruits. Tant mieux !
Madame la Rectrice, comme vous le voyez, nous prenons acte de ce qui va mieux dans l’académie et des efforts faits en termes d’amélioration des conditions de travail. Mais nous ne pouvons en tout état de cause rester silencieuxeuses sur ce qui va encore mal ou qui s’aggrave douloureusement.
La nouvelle gestion publique combinée à la faiblesse des moyens alloués par le ministère sont les causes de la souffrance au travail et de la crise de recrutement. Les options idéologiques du même ministère, en forme de « choc » de tout et n’importe quoi, à rebours d’une école égalitaire ou émancipatrice sont d’ores et déjà génératrices de forts RPS. Sur cela, nous le savons, le rectorat de Limoges n’a que très partiellement la main.
Mais pour soutenir les gestionnaires en butte à un logiciel harassant, pour traiter les professeures de technologie autrement qu’ils ne le sont, pour endiguer la souffrance des professeures des écoles ou pour sortir les AESH de la précarité en augmentant les quotités horaires de celles qui en forment le voeu, l’académie peut, ainsi qu’il est préconisé à la fin du rapport de visite du lycée Bastié, répondre, adapter, proposer et accompagner.

Déclaration de la FSU à la FS-SSCT du 11 avril 2024