Madame la Rectrice,
Mesdames et messieurs les membres de la Formation Spécialisée Santé Sécurité Conditions de Travail de l’Académie de Limoges,
Nous sommes ensemble aujourd’hui pour la deuxième réunion de la FS de cette année scolaire. Au cœur de l’ordre du jour se trouve l’adoption du Programme annuel de prévention, acte central de l’académie en ce qu’il doit infuser toute la politique de santé, de protection, de prévention et d’accompagnement des personnels. Attaché es que nous sommes à faire vivre cette instance dans l’intérêt des personnels, nous ne céderons pas à la tentation de commenter les prises de parole ministérielles que nous avons toutes et tous subies ces dernières semaines, quoique ce lamentable bruit médiatique alliant profond mépris pour l’école publique et affirmations aussi douteuses que précipitées ne soit pas sans incidence sur le moral de toute une profession.
Nous resterons donc autant que possible dans le périmètre qui nous est assigné et, pour cela, nous commencerons par saluer encore une fois le travail des services du pôle SSCT sur le PV de la FS du 12 octobre. Lors de cette séance, nous avions voté un avis qui dénonçait l’imposition de la formation continue en dehors du temps de service et ses incidences sur la vie personnelle des agent es, et au premier chef celle des femmes. Si nous soulignons la promptitude de la réponse reçue le 6 novembre, son contenu nous interroge à tout le moins. En effet, derrière l’affirmation en apparence tout attentionnée de « trouver le juste équilibre entre formation, vie professionnelle et personnelle » se révèle une idée terrible : alors que, dans tous les métiers de ce pays, la formation fait partie intégrante de la vie professionnelle, dans notre ministère, la formation deviendrait un troisième temps de la vie. C’est inacceptable et cela rompt avec le principe énoncé historiquement dans le code du travail qui stipule que « Toute action de formation suivie par le salarié pour assurer l’adaptation du poste de travail constitue un temps de travail effectif ». Nous rappelons à l’occasion que les absences pour formations constituent moins de 2 absences devant élève sur 10, comme l’atteste le rapport de la Cour des comptes de décembre 2021 dont nous ne partageons pas l’entièreté des conclusions mais qui dans ses préconisations fortes incitait le ministère à conduire « une politique de prévention structurée, alors même que les raisons de santé sont la première cause d’absence » en déplorant qu’à ce sujet « la mise en œuvre de la réglementation laisse à désirer ».
Avant d’aborder le PAP, dont le but est justement d’avoir une politique de prévention académique structurée, nous souhaitons nous arrêter sur le premier point à l’ordre du jour : le rapport de visite du lycée Bastié. Sans toutefois vouloir en dévoiler le contenu, nul n’ignore ici que la crise vécue par les personnels de cet établissement était le fait d’un chef de service aux méthodes de pilotage particulièrement maltraitantes. Et si nous nous permettons de le dire, c’est qu’en effet, tout le monde savait et notamment l’administration centrale qui n’a pas pu protéger les agent es en situation de grande souffrance. Notre propos ne sera pas aujourd’hui de décerner les bons et les mauvais points à qui que ce soit ou de revenir de manière pesante sur un passé douloureux mais bien de faire en sorte qu’à l’avenir un tel scénario ne se reproduise jamais ! Or, dans plusieurs établissements de l’académie, les fiches SST ou les arrêts maladie témoignent de souffrances comparables, avec des causes comparables à rechercher dans un management toxique, autoritaire ou inconstant. Les personnels qui en sont victimes et avec lesquels nous échangeons font état d’épuisement, de déstabilisation ou de franche détresse. Nous alertons sur l’un de ces établissements, l’établissement A, en CHSCT puis en Formation Spécialisée depuis plus d’un an. Nous avons également encore connaissance de faits préoccupants sur l’établissement B. Une cellule de veille, qui s’attache à détecter les signaux faibles annonciateurs de crise pour intervenir auprès des établissements concernés et éviter le pire, a été mise en place. Nous accueillons positivement une telle initiative et redisons notre impatience à voir ces établissements accompagnés et leurs personnels protégés.
Nous rappelions précédemment notre attachement à un PAP cohérent et ambitieux pour une politique de prévention structurée, avec des actions coordonnées suivies et financées. Nous reviendrons sur le détail des principes et des actions qui figurent dans le PAP académique pour l’année 2024 en séance. Sans minorer le reste du plan, nous souhaitons soulever deux points relevant de l’axe 2 dans notre propos liminaire. En premier lieu, si nous prenons acte favorablement d’une nouvelle campagne d’enlèvement des déchets chimiques dans les collèges, nous souhaitons alerter cependant l’assemblée sur le risque bâtimentaire. En effet, dans notre académie, lorsqu’il pleut, et cela arrive parfois, des établissements ou des installations sportives prennent l’eau ou moisissent ; cela concerne notamment des salles de classe de l’établissement C, des bureaux administratifs de l’établissement D, les gymnases ou le dojo des établissements E et F… Nous insistons aussi sur le fait qu’après les pluies d’automne viendront les chaleurs de l’été et que les ambiances thermiques au moment des examens de fin d’année pourraient être délétères pour les usagers, usagères mais aussi pour les personnels. En second lieu, nous nous réjouissons que les travaux menés dans l’académie avec l’Aract, il y a quelques années, puissent être enfin extraits de leur étagère. Nous souhaitons à cette occasion non pas rouvrir un long processus d’étude et de diagnostic mais bien que ce travail ancien puisse être rapidement utilisé afin d’impulser des actions de prévention susceptibles d’améliorer les conditions de travail des collègues.
Enfin, nous ne pouvons terminer notre propos liminaire sans évoquer le contexte national et les annonces ministérielles visant à transformer l’école en général et le second degré en particulier, faites encore une fois, rappelons-le, avec la plus grande précipitation, sans concertation et sans cadre réglementaire. Cette façon d’avancer à marche forcée, nous la déplorions déjà dans notre déclaration du 12 octobre 2023, mais aussi dans celles du 15 juin, du 30 mars et du 21 février. Nous savons que cela génère une forte insécurité de la situation de travail, insécurité que l’IRNS a depuis longtemps documentée comme étant un facteur fort d’accroissement des RPS. Au-delà du sigle, cela signifie très concrètement pour les personnels un accroissement de l’épuisement professionnel (des burn-out), des maladies cardiovasculaires, des troubles musculosquelettiques, de l’anxiété, des dépressions et des suicides.
Nous ne nous étendrons pas dans cette instance sur les dimensions catastrophiques pour les jeunes du prétendu « choc des savoirs » qui vise à en finir résolument avec l’ambition d’un collège démocratique pour toutes et pour tous pour lui substituer un collège du tri et de la ségrégation scolaire et sociale. Nous relèverons simplement les impacts sur la santé, la sécurité et les conditions de travail des personnels :
- le contrôle renforcé du travail enseignant et la négation de sa professionnalité via des évaluations standardisées, le recours à des intelligences artificielles ou la labellisation des manuels,
- l’alourdissement programmé de la charge de travail des personnels avec la mise en place des groupes de niveaux en français et en mathématiques accompagné d’une refonte accélérée des programmes de tout le second degré,
- la déqualification des nouvelles et nouveaux professeur es par le renoncement à une formation de haut niveau pour mieux formater les nouvelles recrues à un métier toujours plus prescrit,
- le mépris affiché pour les disciplines ne rentrant pas dans les quatre piliers restrictifs si ce n’est inquiétants du nouveau socle annoncé, avec des incertitudes croissantes pesant sur les enseignements artistiques,
- le recours massif aux heures supplémentaires pour mettre en place ladite réforme, rendant pour les personnels de direction, avec les contraintes liées à la multiplication des cours en barrette, la tâche de la préparation de la rentrée des plus acrobatiques tout en faisant peser de lourdes menaces sur les emplois du temps des élèves comme des personnels.
Toutes ces mesures, loin d’enrayer la crise des recrutements, patente dans l’Éducation nationale, ne peuvent que l’aggraver. L’ensemble de la profession exprime des grandes inquiétudes, une perplexité sans précédent et un rejet important de ces annonces. Outre la forte mobilisation des collègues, comme nous l’avons constaté lors de la grève du 1er février, il est à remarquer que les expressions publiques d’organisations professionnelles de personnels de direction ou d’inspection, d’ordinaire rares et peu virulentes à l’égard de leur tutelle, traduisent aujourd’hui le caractère massif de ce rejet.
Madame la Rectrice, nous souhaitons pouvoir compter sur vous pour encourager au mieux une politique de prévention forte et cohérente dans notre académie en vue d’améliorer la qualité de vie et des conditions de travail de tous les personnels. Nous entendons aussi que vous preniez la mesure du désarroi de l’ensemble des professionnels de l’Éducation nationale dont le pilotage national actuel est, par son fond autant que par sa forme, le premier responsable.