La fin de cette année scolaire est éreintante, les personnels vivent des situations professionnelles difficiles, les tensions atteignent des niveaux inégalés. Si la situation sanitaire n’est pas étrangère à cette situation, c’est avant tout l’ensemble de la politique éducative menée qui en est à l’origine. Ces difficultés créent de la souffrance au travail qui peut être mesurée par l’évolution des maladies professionnelles, des accidents de services, des demandes de ruptures conventionnelles ou encore des démissions.
Dans le Premier degré, le dossier de la direction d’école est symptomatique des opérations de communication auxquelles se livre le Ministre avec une réalité bien éloignée de ses déclarations d’intention. Ici, ce sont les décharges statutaires qui n’ont pas pu être totalement mises en oeuvre et a fortiori les décharges complémentaires annoncées par le ministre. Les formations préalables à la prise de fonction de 3 semaines n’auront pas lieu pour toutes et tous dans les trois départements. Alors que l’état des lieux de 2017 du chantier RPS mené dans l’Académie avec l’ARACT actait des propositions partagées sur le dossier, tout ou presque reste à faire. La question du statut qu’essaie d’imposer le Ministre ne répond ni aux besoins ni aux attentes des personnels. C’est de plus de temps pour toutes et tous et de l’aide administrative qui sont attendus pour un meilleur fonctionnement des écoles au bénéfice des élèves et des équipes. La question des moyens allouées et de leur utilisation reste posée à l’issue de deux années scolaires qui ont montré toutes les difficultés de l’institution à assurer la continuité du Service Public et à créer les conditions de la réussite de tous les élèves : remplaçants en nombre insuffisant, formation continue annulée, prises en charge des élèves à besoins éducatifs particuliers exsangues. Le dédoublement des classes de Grande section en REP+ à moyens constants pénalise dès maintenant la scolarisation des moins de trois ans, pourtant annoncée comme prioritaire. Ainsi en Corrèze, des directeurs ont reçu pour consigne de stopper les inscriptions des TPS. Les enfants en situation de précarité seront ainsi privés des bénéfices d’une scolarisation précoce.
La mise en oeuvre des réformes du lycée et du lycée professionnel, dont nous n’avons cessé de dénoncer les reculs qu’elles induisent, tant pour les contenus et le temps de formations, le bac, les poursuites d’études et l’insertion professionnelle, a conduit à une multiplication des difficultés et à une mise en tension de l’ensemble des acteurs. Les jeunes sont inquiets et les résultats de Parcoursup suscitent toujours plus d’interrogations.
En ce qui concerne les examens, les consignes tardives et contradictoires qui se sont empilées n’ont pas permis un travail serein ni pour les enseignant.es ni pour les élèves. Le maintien du grand oral, dont les contenus sont mal définis et dont la préparation a été quasi impossible, relève d’un entêtement idéologique irresponsable du ministre. Les choix désastreux concernant la voie professionnelle et la philosophie conduisent à dévaloriser les diplômes, à démotiver les élèves et à mépriser le travail des correcteurs. Le Ministre semble ignorer que le bac Pro et le CAP sont garants de qualifications professionnelles. Les décisions qu’il a prises pour la délivrance de ces diplômes cette année les décrédibilise totalement. Cela va à l’encontre des intérêts des jeunes que nous formons. La bienveillance n’a pas cours dans le monde de l’entreprise. Les jeunes ont besoin d’acquérir des diplômes professionnels reconnus et protecteurs qui leur donnent les savoirs et savoir-faire indispensables pour exercer correctement dans tous les domaines (santé, maintenance, …). Quant au DNB, le ministre l’ignore totalement alors même que l’année scolaire perturbée rendait nécessaire des aménagements.
Concernant les enseignant.es convoqué.es pour corriger des écrits ou faire passer des oraux, nous dénonçons la légèreté inacceptable avec laquelle ils.elles ont été traité.es. L’envoi tardif des convocations a empêché de trop nombreux personnels d’anticiper pour réussir à concilier, sans stress majeur, les impératifs de la vie professionnelle et de la vie personnelle. En philosophie et en français, les conditions de correction sont souvent intenables si l’on prend en compte le nombre de copies dévolues et les délais impartis qui doivent être prolongés. En outre, Santorin ajoute complexité et difficultés techniques.
Les annonces du Grenelle sont très insuffisantes pour ce qui est du volet financier. L’opération de communication annonçant une revalorisation de 700 millions est un leurre puisqu’elle recouvre des mesures déjà actées par ailleurs et des mesures communes à l’ensemble des fonctionnaires. L’idée d’une loi de programmation pluriannuelle est enterrée, la majorité des collègues est écartée ou oubliée des faibles mesures indemnitaires proposées.
Les annonces sur le métier enseignant relèvent quant à elles de projets dangereux. La mise en avant du développement de hiérarchies intermédiaires, ou la création d’un statut pour les directrices et directeurs d’écoles, laissent présager une dénaturation profonde du métier et la multiplication de tensions. L’utilisation d’heures supplémentaires ou du numérique pour le remplacement ne répond pas aux enjeux de continuité du service public d’Éducation, qui passe nécessairement par des recrutements supplémentaires et l’annulation des suppressions de postes prévues pour la rentrée 2021 dans le Second degré. Enfin, l’accent mis sur l’autonomie accrue des établissements dessine les contours d’un système éducatif toujours plus concurrentiel.
La FSU rappelle ses demandes : une réelle revalorisation, sans contreparties, qui passe par le dégel de la valeur du point d’indice, élément essentiel de la rémunération de tou.tes les agent.es ; la reconstruction des grilles et la revalorisation immédiate notamment pour les débuts de carrière enseignante ; un statut et un salaire permettant de vivre dignement pour les AESH ; des salaires et conditions de travail améliorées pour les AED. Il est temps que le Ministre entende ce que les personnels veulent pour le service public d’Éducation du 21e siècle : un service public renforcé, avec des moyens, avec de bonnes conditions de travail et non de l’affichage sur la qualité de vie au travail, avec des personnels respectés et revalorisés. La nécessité d’un collectif budgétaire ne fait aucun doute si le gouvernement entend vraiment faire de la jeunesse sa priorité.
La FSU demande l’abandon de la réforme de la formation des maîtres. Les contractuels alternants seront placés dans une situation de précarité insupportable. Comment concilier une année avec un service à tiers temps en responsabilité, la préparation du M2, la préparation du concours et avec la perspective d’un stage à temps plein en cas de réussite ? En guise de professionnalisation affichée, il s’agit de faire entrer les futurs collègues dans un moule, le schéma de l’entretien professionnel, la minoration des épreuves disciplinaires, ne laissent aucun doute à ce sujet, comme si le métier enseignant se résumait à savoir appliquer les recettes du moment. Cette réforme, au-delà de ses visées budgétaires et de la constitution d’un « vivier de contractuels » -dont le recours accru est programmé par la loi de transformation de la Fonction Publique-, fait courir le risque d’une désaffection toujours plus grande pour nos métiers et d’une fragilisation accrue du Service public d’Éducation.
Un an après la fin du paritarisme, chacun mesure bien à quel point les opérations de carrière ont perdu en transparence et en lisibilité pour les collègues comme pour les élu.e.s des personnels. Isoler, individualiser la gestion des carrières, les soustraire au regard des élu.e.s des personnels, et même au final au regard des personnels concernés eux-mêmes, tel était bien l’objectif idéologique de la loi de Transformation de la Fonction Publique. Ainsi pour le mouvement ou les opérations de promotions, les collègues découvrent leur résultat, sans indication leur permettant de le comprendre ou de le vérifier du fait de l’absence de barres de promotion, de rang de voeu de mutation obtenu ou même des contingents pour le 1er degré. Dans le premier degré, le résultat est sans appel : des personnels quittent des postes dont ils sont titulaires pour en obtenir à titre provisoire, d’autres sont affectés sur des postes, parfois à exigences particulières, sans les avoir sollicités, contre leur gré. L’ ASH est particulièrement malmené, la direction d’école l’est tout autant avec des nominations subies pour lesquelles les personnels n’auront pas la formation statutaire préalable à la prise de fonction. Les mobilités interdépartementales sont au point mort à l’entrée comme à la sortie des départements, empêchant toute mobilité malgré parfois 13 renouvellements d’une même demande. Pour les promotions, la part de l’« appréciation de la valeur professionnelle » posée sans même parfois rencontrer les personnels concernés accentue les inégalités professionnelles. Le refus de traiter ces questions est éloquent. C’est inacceptable. Est-ce cela la relation RH de proximité mise en avant par le Ministre ? Celle dont vous dressez le bilan académique dans les documents de ce CTA tend à dessiner les contours d’un métier que les personnels cherchent à quitter, cela devrait vous inquiéter.
Le Ministre a annoncé un plan de formation des agent.es du ministère à la laïcité, alors même qu’a été décidée la suppression de l’observatoire de la laïcité qui a pourtant eu un rôle majeur et reconnu de tous en termes d’information et de formation. L’approche de la question de la laïcité par le rapporteur Obin sous le seul angle des « atteintes » à ce principe est inquiétante. La laïcité est une construction philosophique, politique et juridique, qui garantit l’absolue liberté de conscience pour chaque individu-e, et l’égalité des droits. Elle doit continuer de permettre la réflexion dans tous les champs disciplinaires, ainsi que la construction de l’esprit critique des élèves, à l’abri des pressions idéologiques, confessionnelles, économiques ou politiques. Convoquer la laïcité et ses principes pour prétendre les réaffirmer dans des usages politiques où ils deviendraient des instruments de division de la société, est un dévoiement malsain et dangereux auquel le ministre ferait bien de renoncer et auquel la FSU s’opposera.
En ce qui concerne les propositions de cartes de formations de ce CT, elles vont dans le sens d’une dévalorisation de la voie professionnelle. L’ouverture de FCIL contribue à dégrader les conditions d’arrivée sur le marché de l’emploi des jeunes qui n’auront plus accès à des diplômes protecteurs. Elles ne sont une solution acceptable ni pour les jeunes ni pour la pérennité des formations professionnelles sous statut public.
Déclaration spécifique AESH
Madame la Rectrice,
La loi du 11 février 2005 lançait un défi éducatif et sociétal à relever : parvenir à une société inclusive permettant à chacun.e, quelles que soient ses difficultés ou son handicap, de participer pleinement à la vie économique, sociale, culturelle et citoyenne.
A l’école, cette ambition nécessite des moyens spécifiques pour permettre une inclusion dans les meilleures conditions et c’est à l’État qu’il appartient de mettre en place les moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire des enfants, adolescent-es ou adultes handicapés. En cela, le dossier des personnels accompagnants pour les élèves en situation de handicap relève de la pleine et entière responsabilité de l’État. Or, depuis 2005, l’État ne répond à cette obligation que par des contrats précaires dont le nombre a trop souvent servi de variable d’ajustement budgétaire.
Il a fallu attendre 2014 soit près de 10 ans après la loi de 2005 pour voir la création d’un statut pour les AESH. Ce statut de contractuel de droit public spécifique ouvrait également la voie à la CDIsation. Mais, depuis, malgré les annonces à répétition, la situation n’a guère évolué :
Temps partiel imposé : les personnels subissent toujours un temps partiel imposé ; l’État employeur les maintient ainsi en dessous du seuil de pauvreté en renforçant la discrimination générale envers les femmes au travail, puisque les AESH sont, pour la plupart, des femmes. Ce temps partiel est très souvent inférieur à la durée d’ouverture des écoles et établissements : 19h35 pour la plupart des AESH en écoles alors que les élèves sont accueillis sur 24 heures hebdomadaires. La FSU souhaite tendre vers des contrats à plein temps proposés aux personnels volontaires. Une première étape pour la rentrée 2021, avant d’atteindre la quotité à 100%, pourrait ne voir aucun contrat en dessous d’une quotité de 75 %. Sur ce point, l’Académie a des marges de manœuvre dont elle ne se saisit pas.
Elle pourrait également chercher à respecter le texte et l’esprit de la circulaire de juin 2019. Il s’agissait
d’une première étape de reconnaissance partielle du temps de travail invisible, mais bien réel, des AESH. Or, les DSDEN de l’académie, relayées par certains IEN ou chefs d’établissement en font une lecture abusive et erronée, contre les AESH. Ils leur demandent de justifier de l’utilisation de ces deux heures hebdomadaires (pour un.e AESH à temps plein), en estimant qu’elles doivent être contrôlées, laissant par là même entendre qu’elles ne sont pas effectives. Même le guide académique organise cet abus, contrairement au guide AESH national.
Une rémunération indécente : La revalorisation régulièrement annoncée n’a pas eu lieu, les AESH restent les grand.es oublié.es à la sortie d’un prétendu « Grenelle » de l’Éducation alors même qu’ils.elles représentent 1 agent.e sur 10. 91,5% des AESH sont des femmes et confirment une fois de plus, que les métiers les plus féminisés sont les moins rémunérés. L’employeur public est bien loin de toute exemplarité en la matière. Plus globalement, les perspectives d’évolution de carrière se réduisent régulièrement par un tassement de la grille indiciaire : en 2014, la perspective d’une évolution de 50 points d’indice était ouverte, aujourd’hui, elle est réduite de presque moitié (29 points). Si la rémunération est encadrée par le cadre national, l’Académie a des marges de manœuvre dont elle ne se saisit pas. L’indécence de la rémunération.
Et les AESH sous contrat depuis le 1er janvier 2018 sont toujours en attente du rattrapage de CSG, pourtant prévue par le courrier du ministère adressé le 26/10/20 aux recteurs.
Une flexibilité du travail généralisée avec les PIAL : la généralisation des PIAL s’est faite sans aucun bilan de l’expérimentation. Cette « désorganisation du travail » conduit mécaniquement les personnels à suivre plusieurs élèves, sur des sites, écoles et établissements différents, parfois éloignés. C’est un dispositif perdant / perdant : perdant pour les personnels qui voient leurs conditions de travail se dégrader considérablement, perdant pour les élèves et leur famille qui ne peuvent que constater la baisse du nombre d’heures d’accompagnement en fonction de l’évolution des besoins et le turn-over des accompagnant.es -parfois 4 pour un même élève !-, perdant pour les enseignant.es qui ne peuvent construire aucune habitude de travail dans le cadre d’une telle rotation et voient eux-aussi leurs élèves perdre du temps d’accompagnement. A cela s’ajoute la multitude d’interlocuteurs.trices qui accompagne cette mise en œuvre des PIAL et qui noie les personnels, complexifie la prise de décision et délègue des responsabilités sans avoir les moyens d’agir ni de prendre des décisions localement. Pour l’Institution qui n’engage manifestement pas les moyens à hauteur des besoins, le seul intérêt -non avoué- de ce dispositif, est de masquer le manque cruel de personnels pour faire face à l’augmentation des notifications MDPH et des besoins des élèves. L’Académie a là encore des marges de manœuvre à mobiliser :
- encadrer le nombre d’élèves par AESH et le nombre d’AESH pour un même élève,
- limiter le nombre d’écoles ou d’établissements d’intervention à deux, envisager des déplacements compatibles avec les emplois du temps et en tout état de cause compris dans le temps de travail de l’AESH comme le prévoit le cadre réglementaire,
- période de 3 semaines avant un changement d’affectation ou d’emploi du temps,…
- et ne parlons même pas de la confusion qui règne entre les différents échelons hiérarchiques ou non concernant les PIAL (pilote / coordonnateur / référent) conduisant certains à outrepasser leurs missions : le rôle de chacun pour être clarifié par une simple circulaire de bon sens.
Autant de cadres de gestion qui seraient de nature à donner de la lisibilité aux personnels et qui éviteraient de dénaturer leurs missions.
Les droits des personnels malmenés : alors même qu’ils sont les personnels les plus précaires de l’Éducation Nationale, ils sont souvent les personnels qui ont le plus de difficultés à faire valoir leurs droits : difficultés à accéder au remboursement de leurs frais de déplacement et de frais de repas, circulaire de frais de déplacement restrictive, remise en cause locale et unilatérale des heures de fractionnement, emplois du temps et affectation modifiées sans concertation ni parfois même information préalable, avancement, contrats de travail, absence de formation de qualité, chacun se formant « sur le tas » aux différents handicaps… Sur chacun de ces points, l’Académie est en mesure de faire d’autres choix, plus conformes au droit, plus respectueux des personnels les plus précaires mais qui s’engagent quotidiennement et sans compter dans l’accompagnement des élèves qui leur sont confiés.
De telles conditions de travail et d’emploi conduisent des personnels AESH à cumuler les emplois précaires ou à renoncer à ce métier faute de pouvoir en vivre dignement. C’est un gâchis humain et institutionnel avec une perte de compétences. Les difficultés à recruter qui conduisent le ministère à mener des campagnes publicitaires pourraient être résorbées par d’autres choix. Le ministre s’était engagé il y a un an à mener des négociations sur la rémunération et le temps de travail : il n’en a rien été.
Ces choix sont à rebours des engagements présidentiels de faire du handicap la priorité du quinquennat. Ils maintiennent dans la précarité les AESH, nient les besoins des élèves, créent de la souffrance et remettent en cause l’école inclusive qui ne peut se mettre en œuvre par le seul sur-engagement des agent.es.
La FSU demande que des discussions s’ouvrent, au niveau local comme national et que des engagements
soient pris pour la rentrée 2021.