Madame la Rectrice,
Mesdames et messieurs les membres de la Formation Spécialisée Santé Sécurité Conditions de Travail de l’académie de Limoges,
La réunion de cette formation spécialisée revêt une couleur toute particulière, quelques semaines après la nomination au ministère de l’Éducation nationale de Mme Borne, sixième ministre en deux ans, et dont les deux premiers actes furent de déclarer qu’elle n’était « pas spécialiste d’éducation » avant de tourner ostensiblement le dos aux personnels de l’éducation venus s’adresser à elle lors de sa visite sur l’île de Mayotte dévastée par le cyclone Chido. Ce sentiment de dédain à l’égard de la profession perdure malheureusement depuis l’accession d’Emmanuel Macron à la présidence.
Après deux années de politiques hésitantes, souvent accompagnées d’annonces précipitées, voire en contradiction avec la législation, les personnels restent dans l’incertitude quant à la mise en œuvre du « choc des savoirs » à la rentrée 2025 puisque aucun décret, à ce jour, n’a été publié. Alors que les chef fes d’établissement des collèges découvrent les moyens qui leur sont alloués pour la prochaine rentrée, ils et elles se retrouvent contraint es de préparer, une fois de plus, celle-ci à l’aveugle, tandis que les autres personnels oscillent entre angoisse et résignation.
Pour les lycées professionnels, c’est une fin d’année qui s’annonce chaotique en terminale bac pro avec un contenu flou et des effectifs incertains. Des enseignements comme les Arts Appliqués ou la PSE sont passés à la trappe et leurs professeurs sommés de se réinventer.
L’arrêt brutal de la part collective du Pass Culture en janvier, anéantissant des projets préparés de longue date, illustre encore une fois le mépris affiché à l’égard des enseignant es comme des personnels de direction. Si l’objectif était de susciter consternation, colère et découragement, c’est réussi !
Dans ce contexte morne, nous pourrions trouver des motifs de consolation dans la validation du programme EVARS par le Conseil Supérieur de l’Education le 30 janvier dernier. Ce programme, ambitieux et responsable, va permettre de lutter contre les violences sexistes et sexuelles, les violences intra-familiales ainsi que les discriminations de genre. Cependant sa mise en place à la rentrée 2025 suscite quelques craintes : en l’absence de temps dégagé pour la formation et de formateurs en nombre suffisant, les infirmier es scolaires, déjà fort sollicité es, ne risquent-ils et elles pas de se voir confier une charge de travail supplémentaire ?
Ce ne sont là que quelques exemples des risques psycho-sociaux que l’institution fait peser sur ses personnels. Nous avons maintes fois alerté ici sur les conséquences néfastes de réformes menées à la hâte et sans concertation. Il devient urgent que l’Éducation nationale se saisisse enfin de la problématique des RPS et la place au cœur des orientations stratégiques ministérielles.
Au cours de cette séance, nous aborderons le compte-rendu de la visite du collège X. Sans anticiper la présentation détaillée qui en sera faite, deux éléments ont particulièrement retenu l’attention des membres de la délégation : d’une part, l’incidence néfaste d’un bâti scolaire vétuste sur les conditions de travail, et d’autre part, les effets délétères d’une communication mal adaptée, facteur aggravant des risques psycho-sociaux.
Dans l’académie de Limoges, les signalements ainsi que les travaux menés par la formation spécialisée convergent tous vers un même constat : la prévalence des risques psycho-sociaux et la nécessité impérieuse de les intégrer pleinement dans la politique de prévention.
Or, le changement de calendrier du Programme annuel de prévention (PAP), désormais Papripact, nous prive des Orientations stratégiques ministérielles pour 2025 et retarde de six mois l’évaluation du PAP de 2024 qui se déploiera désormais sur l’année scolaire.
Tout reste donc à construire en matière de prévention des RPS. La réunion, le 4 février, d’un premier groupe de travail visant à exhumer les préconisations d’un rapport de l’Agence régionale pour l’amélioration des conditions de travail (Aract) de 2017 constitue pour nous un signal positif. Pour autant, nous mesurons le temps perdu. Il y a huit ans déjà, ce rapport préconisait l’intégration des RPS dans les documents uniques d’évaluation des risques professionnels (Duerp), ce qui a plus que tardé à se traduire dans le réel. Il y a huit ans déjà, il alertait sur la nature systémique du stress et des violences. Il y a huit ans déjà, il préconisait entre autres d’“outiller la prise en charge des publics” (élèves perturbateurs, ayant des troubles du comportement ou étant à besoins éducatifs particuliers), de “renforcer la formation continue”, d’“outiller la prévention et les acteurs dont les chefs d’établissement” et les IEN, d’“optimiser l’animation des acteurs de prévention” et d’“accompagner les changements”. Il pointait en outre les besoins en remplacement et la nécessité d’alléger la charge administrative, notamment dans le premier degré. L’académie de Limoges “n’a pas rien fait” durant ces huit années. Cela dit, les causes de souffrances et de dommages sur la santé des personnels demeurent, se sont même parfois aggravées quand d’autres sont apparues.
C’est le cas avec la généralisation d’Op@le, outil dont les dysfonctionnements accroissent la charge de travail des secrétaires généraux d’établissements et des secrétaires d’intendance. Devons-nous encore rappeler son caractère chronophage qui isole ces personnels du reste de l’équipe éducative et génère des tensions internes ? A ce titre, nous regrettons que l’administration soit revenue sur le calendrier que nous nous étions donné es en demandant le report après l’été 2025 de cette visite programmée depuis des mois.
A l’heure où la feuille de route RH 2026 ambitionne de renforcer les travaux des formations spécialisées en SSCT et que nous faisons le constat partagé qu’il convient de mettre en œuvre des actions pour la prévention des RPS, il est indispensable de proposer et de faire vivre des politiques de prévention ambitieuses, non de les affaiblir. A cet égard, la réduction, nous l’espérons temporaire, des moyens alloués au pôle SSCT pourtant renforcé en juin 2024, est un mauvais signal.
Notre petite académie se félicite – et souvent à raison d’ailleurs – d’être une académie humaine, au plus près des personnels. Jusqu’à présent, elle a su échapper aux dynamiques mortifères comme celles qui ont récemment affecté l’académie de Normandie. Nous aspirons à ce qu’elle puisse, à l’avenir, se donner les moyens d’aboutir à une résorption significative des RPS, dans la continuité du travail mené en confiance avec M. le Secrétaire général. Nous formulons le vœu que cette dynamique se poursuive avec son ou sa successeur e. En attendant, nous lui souhaitons pleine réussite dans ses nouvelles fonctions.