Déclaration du SNES-FSU à la Formation Paritaire Mixte AcadémiqueFPMA du 22 juin 2010
Chacun autour de cette table est sans nul doute convaincu de l’importance de l’opération de gestion que représentent les mutations, premières affectations et réintégrations des personnels du second degré. Mais si certains ne voient que l’aspect technique de cette gestion et l’assimile à une journée où l’on se contente d’entendre dérouler des chaînes d’affectations, ils se trompent.
Le mouvement des personnels est un acte politique, où chacun a un rôle, avec des conséquences sociales fortes. Il s’inscrit cette année plus que jamais dans un contexte particulièrement lourd. Le gouvernement, le ministre de l’éducation agissent sur tout un ensemble de paramètres pour mettre en place une politique agressive tant dans son contenu que dans sa forme .
Le second degré ne cesse de ployer sous les coups d’une avalanche d’anti-réformes qui le transforme en cette fin d’année en grand bazar.
On peut citer tout d’abord les restrictions budgétaires : comment accueillir une cinquantaine d’élèves en plus dans les lycées et collèges de l’académie avec 110 postes en moins ? il est particulièrement évident que ces suppressions limitent les possibilités de mobilité et pèsent lourdement sur le mouvement.
La « réforme » du lycée et toutes ses inconnues : les TRMD qui ne sont pas remontés, la mise en concurrence des établissements, les choix, encore inconnus, des élèves pour les options en seconde, le flou qui n’a rien d’artistique de l’accompagnement personnalisé qui ne génère ni sérénité, ni fiabilité dans la définition et la remontée des besoins, perturbent la préparation de la rentrée et pèsent lourdement sur le mouvement
La récupération du mois de juin qui retarde l’affectation des élèves et les ajustements nécessaires en terme d’heures postes, de même que l’abandon de la carte scolaire qui perturbe les pronostics d’affectation et détruit certains équilibres pèse lourdement sur le mouvement
Une situation d’emploi complètement éclatée avec des compléments de services, particulièrement nombreux, et incertains pour les raisons qui viennent d’être évoquées, pèsent sur le mouvement ; et quand ils sont dus à la présence d’heures supplémentaires ou de supports stagiaires, ils sont particulièrement scandaleux et illégaux. Nous y reviendrons dans le débat. D’autant plus qu’il semble y avoir un sérieux problème pour les remboursements des frais de déplacement entre établissements et nous voulons des éclaircissements à cet égard, car des collègues sont inquiets de l’état de l’enveloppe prévue à cet effet et certains envisagent de ne plus se déplacer à la rentrée s’ils ne sont plus indemnisés.
Et bien entendu le choix de retirer des postes du mouvement pour y affecter des stagiaires à plein temps, privant bon nombre de collègues d’une affectation à laquelle ils pouvaient prétendre et qu’ils attendaient parfois depuis des années, pèse aussi très lourdement sur le mouvement.
Ce dernier point est particulièrement emblématique des régressions en cours :
Élever le niveau de recrutement des enseignants et CPE est une revendication du SNES depuis longtemps, qui répond aux évolutions des métiers, des savoirs, aux besoins du système éducatif.
Dans une société où les citoyens sont appelés à se prononcer sur des enjeux sociaux,politiques, économiques complexes, l’élévation des qualifications est une garantie et une nécessité démocratique. La volonté de faire réussir tous les jeunes qui nous sont confiés, d’amener au moins 80 % d’une classe d’âge au baccalauréat, ajoutée à l’objectif plus récent d’amener 50 % au niveau de la licence participent de cette évolution. Or, le diplôme nécessaire pour enseigner dans le second degré était depuis 1950 la licence, pour les certifiés. Prétendre élever le niveau général des qualifications tout en maintenant celui des enseignants à l’identique relève pour le moins du paradoxe.
Cependant, le gouvernement s’est saisi de l’occasion pour supprimer massivement des emplois. C’est ainsi qu’au lieu de travailler à une meilleure articulation des différentes composantes de la formation, de compléter la pré-professionnalisation par une année de formation après le concours, organiser des pré-recrutements, il a décidé de supprimer l’essentiel de la formation initiale des lauréats des concours et de prendre prétexte d’une formation au niveau du master pour affecter les enseignants et CPE stagiaires à temps plein et d’en faire des moyens d’enseignement à part entière. C’est une vision complètement réactionnaire de ce qui fait le coeur du métier : si un enseignant doit maîtriser parfaitement les connaissances qu’il est chargé de transmettre, il se doit aussi d’analyser et de remédier aux difficultés de toutes sortes que peuvent rencontrer les élèves.
Cette mise en situation à temps complet est-elle dans l’intérêt du stagiaire ? dans l’intérêt des élèves ?
C’est bien parce qu’ils se refusent de cautionner une telle conception de la formation, que bon nombre d’enseignants ont refusé avec parfois un certain courage car il leur a fallu résister à des incitations fortes, à être conseillers pédagogiques. Ces positions sur la formation, et ces « incitations » ont suscité beaucoup de déception (le mot est faible) parmi les enseignants. Pour eux, la solidarité à l’égard des stagiaires devait s’exercer en pesant pour qu’ils soient affectés au plus sur 12h et non 18h comme les textes le permettaient : la revendication du SNES restant une véritable année de formation avec des stages en responsabilité à 4h-6h
Les personnels que nous représentons, ont à plusieurs reprises, tout au long de cette année, alerté sur les dangers que ces réformes régressives, à marche forcée, faisaient peser sur le second degré, tant pour les élèves que pour les personnels : nous avons parfois été taxés d’inquiétudes infondées mais la réalité est têtue et la divulgation des conseils donnés aux recteurs et inspecteurs d’Académie pour récupérer des moyens est malheureusement là pour mettre en évidence que l’investissement pour l’école n’est perçu par le pouvoir que comme une charge insupportable pour les finances publiques. L’amélioration des conditions d’emploi des personnels ne semble vraiment pas pour demain et la désespérance des enseignants dont nous avons fait état à plusieurs reprises en cours d’année risque de gagner du terrain. Chacun ici aurait tort de ne pas prendre la mesure de ce qui est beaucoup plus qu’un signal de détresse personnelle : c’est la prise de conscience de dégradations qui pourraient bien être irréversibles pour la qualité de notre système d’enseignement.
Par ailleurs, les personnels sont extrêmement attachés au dialogue social, sous toutes ses formes, et en particulier au paritarisme.
A cet égard, le choix de communiquer un projet de mouvement avant que celui-ci soit vérifié par les commissions paritaires est vécu comme une provocation.
Cela n’est pas bénéfique pour les personnels qui ne peuvent pas faire cas d’un projet d’affectation qui n’est pas définitive et engendre des situations malsaines et nuit à la sérénité des débats.
Vouas avez fait état de fuites d’informations de la part d’organisations syndicales : si nous ne les cautionnons pas, elles ne nous surprennent pas dans ces conditions de rupture du paritarisme ; vous nous dites que l’administration communique à partir de données fiables : pourtant, malgré le faible nombre de postes , le projet sur lequel vous avez communiqué une première fois comportait des erreurs dont une qui avait des répercussions sur tout un département.
Il y a également des situations qui appellent des choix qui ne vont pas de soi et devront être faits par la FPMA. Or il est toujours délicat de revenir sur une information donnée aux collègues, même en précisant qu’il ne s’agit que d’un projet et suscite leur méfiance.
Et si nous avons pu apprécier que suite à nos demandes, un certains nombre de postes que vous aviez mis de côté pour des stagiaires aient été réinjectés dans le mouvement, nous avons été quelque peu surpris pour ne pas dire plus, de constater que cela avait donné lieu à une deuxième vague d’information qui plus est par oral ou par mail dont le principe nous avait été refusé quand nous avions demandé que la communication ne se fasse que sur les affectations de type larges. Au passage vous avez rectifié les erreurs précitées, comme si elles découlaient de cette injection de nouveaux postes.
Alors nous le redisons : cette situation n’est pas saine.
Notre intervention ne vise nullement à remettre en cause les services rectoraux, sans nul doute confrontés à une mission impossible de conciliation d’intérêts contradictoires.
Mais nous voulons dire et redire que pour nous, les obstacles, ils sont pas d’ordre technique ; mais politique. « Là où il y a une volonté, il y a un chemin ».