Les spécialités en classes de Premières générales : un retour brutal à la réalité
La mise en œuvre à marche forcée de la réforme du lycée pendant l’année scolaire 2018-2019 a bien souvent contraint les élèves de seconde à choisir à l’aveugle leurs spécialités de premières générales pour la rentrée 2019. Forts de l’expérience de leurs camarades plus âgés, les élèves entrant en première générale à la rentrée 2020 ont fait des choix différents. Quels constats pouvons-nous faire à l’échelon académique ?
Premier constat : les spécialités scientifiques souffrent. La part des élèves choisissant les spécialités maths, SVT et PC s’élève respectivement à 66,4, 49,5 et 45,8 %, soit un recul de 5,7, 4,1 et 2,1 points par rapport à l’année scolaire 2019-2020. La triplette maths/PC/SVT est ainsi en chute libre de 5,1 points, les autres triplettes ne connaissant pas de variations majeures. Les maths ayant été écartés du tronc commun, cela signifie que plus d’1/3 des élèves arrêtent définitivement les maths en fin de seconde (cela concernait moins de 10 % des élèves avant la réforme actuelle, c’est-à-dire les élèves de terminale L sans l’option maths). On mesure l’impact négatif en termes d’accès à une culture commune et bien entendu en termes de choix d’orientation forcément restreints. Plus de la moitié des élèves cessent aussi de recevoir les enseignements de sciences expérimentales. L’enseignement scientifique, aux horaires limités et aux programmes mal ficelés, ne peut combler ces manques. La réalité met en échec les objectifs affichés du ministère (revaloriser l’enseignement des sciences en France, annonces sur les maths...). Dans la même logique, le choix de la spécialité SI est aussi en baisse. Seule la spé NSI maintient ses effectifs. Il est urgent de s’interroger sur les raisons d’une telle désaffection : trop fortes ambitions des programmes déconnectées de la réalité des élèves, absence de moyens de remédiation...
Le recul de spécialités scientifiques se reporte sur les enseignements littéraires et de sciences humaines. HLP progresse de 3,8 points, SES de 3 points, les spécialités linguistiques (LLCER et AMC) de 2,6 points, HGGSP de 1,9 points. Là encore cependant, les difficultés s’accumulent : effectifs lourds, ambitions démesurées des programmes difficiles à satisfaire dans le temps imparti…
L’effondrement des LVC et du latin est notable.
Les spécialités en classes de terminales générales
La réforme du lycée se mettant en place pour la première fois en terminale en cette rentrée 2020, il est difficile d’analyser les données avec le recul nécessaire.
Un constat s’impose cependant : l’obligation de l’abandon d’une spécialité à la fin de la classe de première est un moment compliqué et angoissant pour les jeunes. Difficile d’être certain.e de prendre la « bonne » option alors que les élèves hésitent encore souvent sur leurs choix d’orientation et que les attentes du supérieur restent souvent peu claires et mal définies. Supprimer une spécialité, c’est souvent renoncer totalement à cet enseignement pourtant souvent corrélé aux autres disciplines dans l’enseignement supérieur ! Le choix peut relever du pari.
On constate que les doublettes recouvrant l’ancienne série S rassemblent toujours largement les élèves (46%), mais concernent un peu moins de lycéens que l’ancienne série S (54%). Beaucoup moins d’élèves épousent des choix relevant précédemment de la série ES, 22,9% contre 30%, ou de la série L, 9,7% contre 15%. 21,4% des lycéens ont ainsi fait des choix qu’ils n’auraient pu faire précédemment, à la satisfaction de Blanquer sans doute, mais sans que personne, à l’heure actuelle, ne puisse dire ce qu’il en sera de l’accès de ces jeunes à l’enseignement supérieur.
BAC : des E3C aux EC, un calendrier intenable !
Contesté de toute part, le bac Blanquer et sa déclinaison en épreuves communes de contrôle continu (E3C) ont été noyés par une session 2020 marquée par l’annulation des épreuves nationales du bac. Les épreuves de Première générale et technologique, de français, l’enseignement scientifique, la spécialité abandonnée ont basculé en contrôle continu tandis que le reste de la session 2 des E3C a été purement annulé. En cette rentrée, le ministère refuse de tenir compte des circonstances exceptionnelles de l’année scolaire et maintient à tout prix des épreuves locales.
Au cœur de l’été sont donc parues les notes de service transformant les E3C en « évaluations communes », EC, comme si le problème n’était que sémantique.
L’injonction à organiser ces évaluations communes sur le temps ordinaire des cours est affirmée dans la note de service, relayée par certains chefs d’établissement zélés.
L’examen, encore national, conditionné par des contraintes d’emplois du temps et de moyens, voit ainsi sa légitimité se limiter dangereusement à celle du lycée d’origine. Il est indispensable de maintenir dans nos lycées des conditions de passage acceptables, tant pour les élèves que pour les enseignants : demi-journées banalisées pour les épreuves, temps dédié pour la préparation et la correction des sujets…
Dans les lycées, les calendriers internes apparaissent de plus en plus lourds, voire intenables. A partir du mois de janvier – février 2021, les élèves et les enseignants enchaîneront les épreuves. Pour les professeurs, les charges se multiplieront : correction des EC de premières en janvier et mai, des EC de terminales en mai, des épreuves de spécialités de terminales en mars, préparation du grand oral dans des conditions obscures et passage encore plus nébuleux de cette épreuve en juin, épreuve terminale de philo en juin, épreuve anticipée de français…
A cette suite ininterrompue d’évaluations, s’ajoutent bien entendu la préparation des nouveaux programmes, les devoirs habituels, les bulletins, les livrets scolaires… les enseignants de lycée sont soumis cette année à une cadence infernale que le ministère refuse d’entendre et de prendre en compte.