Le pouvoir d’achat des enseignants est en perpétuelle diminution depuis plusieurs années, et rien ne semble vouloir enrayer ce phénomène. Bien au contraire, la poursuite du gel du point d’indice, la hausse des retenues pour pension, l’augmentation des dépenses de santé, la journée de carence, accélèrent ce dévissage. Dans un tel contexte, un changement d’échelon, même s’il n’assure rien de plus que le rattrapage des pertes subies, est attendu avec une réelle impatience.
A cette réalité salariale dégradée, s’ajoute la dégradation continue de nos conditions de travail et des conditions d’études de nos élèves, directe conséquence des suppressions de postes et de la mise en place de réformes régressives. Effectifs pléthoriques, absence de réels dispositifs permettant de surmonter la difficulté scolaire, mise en place au pas de charge de réformes contestées, ont pour conséquences aujourd’hui d’induire des reculs de scolarisation et de rendre les parcours scolaires plus inégalitaires. La France est le seul pays de l’OCDE à connaître une telle évolution. Cette situation est alarmante.
Le budget 2012 conduit notre académie à la perte de 3,4 % de notre potentiel d’emplois total ce qui aura immanquablement comme conséquences de nouvelles difficultés dans les établissements à la fois pour les jeunes et pour leurs enseignants.
C’est dans ce contexte que le Ministre Chatel veut imposer un décret modifiant radicalement les modalités de l’évaluation et d’avancement des enseignants, celui-ci est largement rejeté par l’ensemble de la profession.
Là où assurément les équipes enseignantes ont besoin de davantage de collectif pour travailler plus efficacement, le Ministre nous propose individualisation et mise en concurrence.
Là où s’exprime la volonté d’une transparence accrue dans les modalités de gestion et d’une meilleure équité entre les personnels, le Ministre répond en remplaçant les notes par des « avis » dont on ne sait que trop le manque de lisibilité et l’absence de repère collectif qu’ils induisent.
Là où s’exprime la nécessité d’une évaluation prenant mieux en compte les divers aspects de notre métier, le Ministre répond en mettant sur la touche l’évaluation de la dimension pédagogique de notre activité qui est pourtant le cœur de notre métier.
Là où s’expriment souffrance au travail et stress accru des enseignants, le Ministre propose des modalités de gestion importées du privé qui fragilisent et isolent les salariés et dont on mesure les ravages qu’ils produisent dans le privé.
Là où s’exprime la nécessité de construire des espaces de démocratie au sein des établissements, le Ministre répond avec un texte qui n’a, au final, pas l’objectif d’améliorer les modalités d’évaluation mais d’introduire un outil de management et de mise au pas des personnels aux mains d’un unique évaluateur.
Qui aurait à gagner à un tel système ? Personne. Ni les enseignants, ni les IPR, ni les chefs d’établissements, ni au final le Service Public d’Éducation.
Car nous ne nous y trompons pas, derrière le projet Chatel sur l’évaluation, c’est le statut des enseignants qui est attaqué. Or c’est bien le statut qui garantit aux personnels que leur service, leurs missions sont définis nationalement et les met à l’abri de pressions locales. C’est bien le statut qui garantit ainsi aux usagers la même qualité du Service Public d’Éducation en tous points du territoire. Ce sont des choix inscrits dans notre histoire, celle de la Fonction Publique d’Etat, celle des Services Publics.
Le SNES demande le retrait du projet Chatel et l’ouverture de négociations sur la revalorisation de notre métier dans tous ses aspects. Il revendique la déconnexion de l’évaluation et de l’avancement. C’est possible. Nos évaluateurs actuels, chefs d’établissement et IPR bénéficient, comme d’autres fonctionnaires, d’un rythme d’avancement unique dans la classe normale de leur corps. Cela conduit-il pour autant à mettre en doute leur mérite ou leur implication dans les missions qui sont les leurs ? Nous ne le croyons pas.
Le Ministre doit entendre ce qu’ont exprimé les personnels lors de la journée de grève intersyndicale du 15 décembre 2011. Il devra entendre aussi les exigences qui seront au cœur de la journée de grève et de manifestation nationale à Paris mardi 31 janvier : exigence d’une autre politique éducative, d’un investissement budgétaire à la hauteur des nécessités, d’un plan pluriannuel de recrutements, d’une revalorisation de nos professions, de réformes ambitieuses permettant de construire une nouvelle étape de démocratisation.
27 janvier 2012