Déclaration du SNES-FSU, CAEN 23 janvier 2015
Aux attentats qui ont frappé notre pays, les citoyens ont répondu avec une force inégalée depuis la Libération. Cette mobilisation doit beaucoup à la défense de la liberté d’expression et de la laïcité, elle ne doit pas rester sans lendemain.
De nombreuses voix se font entendre aujourd’hui pour faire de l’Éducation l’une des réponses à la crise multi forme qui s’exprime aujourd’hui violemment dans notre société : xénophobie, racisme, rejet de l’autre, exclusion sociale, accroissement des inégalités... Il n’a jamais été plus urgent en effet de former les esprits, des esprits libres, sensibles et attentifs aux principes démocratiques de la République, parmi lesquelles la laïcité porteuse des valeurs humanistes qui nous sont chères. Les personnels de l’Éducation nationale restent déterminés à relever ce défi au quotidien mais demandent un soutien sans faille : des moyens à la hauteur des missions assignées, de la formation et non des prescriptions pour les personnels, des personnels reconnus et revalorisés, des possibilités pour tous les jeunes de suivre et de réussir, dans tous les territoires, leur scolarité au sein du service public d’Éducation, gratuit et laïque.
Alors oui, la réflexion sur l’éducation à la laïcité, sur l’enseignement laïque du fait religieux, sur les contenus enseignés, est nécessaire. Mais elle ne doit pas occulter le débat sur les conditions dans lesquelles se déroule la scolarité des élèves : mixité sociale, effectifs, encadrement… Elle ne peut éluder la question des moyens alloués à l’École pour lui permettre de remplir ses missions.
Mais il faut aussi affirmer que l’École ne peut pas tout. Les politiques publiques ont trop longtemps abandonné les quartiers populaires, comme les territoires ruraux, à la crise économique, à la misère sociale et culturelle, au sentiment d’abandon et à l’indifférence, alimentant ainsi le terreau de toutes les haines.
Les politiques publiques doivent promouvoir le vivre-ensemble et la mixité sociale, lutter contre l’entre-soi et l’individualisme qu’expriment les différentes composantes de notre société, mettre en œuvre des politiques volontaristes de lutte contre les inégalités. Tous les Services Publics doivent être renforcés pour y contribuer pleinement. A cet égard, comme à bien d’autres, la réforme territoriale soulève de vives inquiétudes. Sa mise en place à marche forcée en l’absence de débat citoyen et de bilan des précédentes étapes de décentralisation, est directement liée au pacte de responsabilité et à la volonté de réduire drastiquement la dépense publique. Les Services Publics, les besoins des populations ou les inégalités territoriales sont actuellement ignorés, à rebours des nécessités qui s’expriment pourtant. Comment imaginer que soient mieux pris en compte l’ensemble des spécificités territoriales et l’accompagnement des populations, au sein de gigantesques ensembles régionaux comme la future région Aquitaine-Limousin-Poitou Charente ? Qui plus est s’il s’agit de réduire la dépense ? Le risque est grand que le Service Public d’Education en sorte affaibli quand il faudrait le renforcer en tous points du territoire.
Les politiques publiques doivent être financées, peuvent être financées. Cela impose de modifier de façon substantielle le partage des richesses créées en France et en Europe. À l’heure où les dividendes des actionnaires des entreprises du CAC 40 s’envolent, à l’heure où les PME de notre région, comme ailleurs, sont durement frappées par le ralentissement de l’activité entretenu par les politiques d’austérité, à l’heure où le chômage de masse s’installe durablement, à l’heure où les inégalités ne cessent de s’accroître au profit des plus riches, poser cette question n’est pas incongru, refuser de la poser au nom du dogme selon lequel il n’y aurait pas d’alternative est irresponsable.
En ce qui concerne la préparation de la prochaine rentrée dans le second degré, il serait irresponsable de considérer comme satisfaisants les moyens accordés à notre académie. Certes la dotation est positive, +12 emplois, mais l’asphyxie des moyens se lit pourtant à toutes les pages du document présenté pour ce CAEN : n’y figurent, une fois de plus, que redéploiements de moyens, ou justifications de ceux-ci, des collèges vers les lycées, d’un établissement vers un autre. En ce qui concerne l’Education Prioritaire, alors que les besoins s’accroissent, du fait de la crise économique, c’est le choix du redéploiement des moyens, aussi bien sur le territoire national que dans notre académie qui est fait, au détriment des ambitions de cette politique, aux prix de nouvelles dégradations pour les établissements qui sont exclus de ce périmètre.
Les dotations arrivées aujourd’hui dans les établissements font apparaître des reculs invraisemblables alors que le budget de l’éducation est affiché comme prioritaire.
Des formations sont proposées à la fermeture alors qu’elles font à la fois le plein et la démonstration de leur utilité, ou sans qu’elles aient eu le temps de s’installer dans le paysage éducatif.
Les suppressions de postes feront encore partie du paysage des établissements dans les prochaines semaines. Priorité à l’Éducation sans doute pourrait-on ironiser si la situation n’était pas si difficile dans les classes.
En collège et lycée, maintenir les taux d’encadrement de la rentrée 2012, pourtant de sinistre mémoire, financer sans redéploiement la politique de l’éducation prioritaire, nécessiterait la création de 78 emplois en sus des 12 accordés, sans compter les besoins de remplacement !
L’ambition pour les élèves, comme pour les personnels, fait cruellement défaut. Il y a urgence à mettre pleinement en accord les actes avec le discours de priorité à l’Éducation.
Offrir à chaque jeune la possibilité de suivre une formation initiale lui permettant d’accéder à une qualification reconnue et à l’exercice d’une citoyenneté avertie est aujourd’hui plus que jamais nécessaire. Faire accéder tous les jeunes aux formations et aux qualifications pour leur permettre une insertion durable dans l’emploi, ne renoncer en aucun cas à former l’ensemble de la jeunesse au respect de toutes les cultures dans notre société laïque, est la réponse ambitieuse qu’il est possible de construire en renforçant le service public d’Éducation. L’urgence est là, éducative, sociale, la FSU ne cesse d’alerter à son propos, il est temps pour le Gouvernement d’y répondre.