Madame la Rectrice,
Nous allons commencer par vous souhaiter la bienvenue dans notre académie et pour cette première prise de contact nous allons vous dresser le constat, inquiet, de la situation dans les écoles, les collèges, les lycées, tant les moyens manquent, mais aussi tant les réformes récentes fragilisent le système éducatif et les possibilité de réussite des jeunes.
Ce CSA étant l’occasion de faire le bilan de la rentrée 2024, sur lequel nous reviendrons plus en détail dans les discussions, commençons par l’historique terrible des suppressions d’emplois qui ont frappé notre académie dans le Premier comme dans le Second degré.
Dans le Second degré, de la rentrée 2008 à 2012, 500 emplois de professeurs de Second degré ont été retirés, 80 ont été rétablis de 2013 à 2017, 136 ont été supprimés depuis qu’Emmanuel Macron est président. Le bilan est donc, depuis 2008, de 556 suppressions. Les baisses d’effectifs d’élèves, modestes au regard du volume général d’élèves accueillis, n’ont donc pas été mises à profit pour améliorer les conditions d’encadrement qui se sont au contraire fortement dégradées. L’allégement des effectifs est pourtant un levier majeur d’amélioration des performances scolaires, de démocratisation, pas seulement pour quelques-uns sur un temps bref de la scolarité, dans quelques disciplines, mais pour tous les élèves et sur la continuité de leur scolarité. Les personnels comme les familles portent fortement cette demande. Notons que dans le même temps, le nombre d’élèves scolarisés dans l’enseignement privé, pourtant peu développé dans notre académie, n’a cessé de croître, accentuant le séparatisme scolaire pratiqué par les catégories sociales les plus favorisées.
Les contenus, les temps de classe et modalités de formations ont été aussi fortement dégradés sous les coups des réformes successives du lycée Chatel et Blanquer comme du collège Vallaud-Belkacem et Attal. L’individualisation des parcours des élèves fait désormais système, alors qu’elle ne repose sur aucune aide effective de l’institution pour déjouer les déterminismes sociaux ou de genre, les renforçant de fait. Les choix de spécialités de la voie générale au lycée sont à ce titre éclairant d’une politique profondément inégalitaire. La volonté de trier les collégiens dès la 6e et d’interdire une poursuite d’étude à plus de 15 % d’entre eux en fin de 3e est inacceptable, comme l’est le couperet Parcoursup à la fin du lycée.
Dans le Premier degré aussi les suppressions de postes sur plusieurs années ont contribué à la dégradation des conditions d’apprentissages et d’enseignement. La baisse démographique aurait dû permettre une amélioration de la situation qui, a contrario, ne cesse de se dégrader. Des classes restent surchargées ce qui limite forcément la possibilité de mise en place d’un enseignement différencié. La situation du remplacement dans nos écoles est toujours très problématique. Chaque jour, dans les trois départements de l’académie, nous sommes face à de nombreuses absences non remplacées, pénalisant les élèves et générant une charge de travail supplémentaire pour les enseignantes et enseignants présent
es et ce, malgré le recrutement d’enseignantes et enseignants contractuel les. Cette situation n’est pas tolérable ! De plus, nous déplorons encore que les moyens dédiés à l’inclusion scolaire soient insuffisants, alors même que les besoins augmentent. De nombreux ses élèves ne peuvent bénéficier de l’aide dont ils et elles ont besoin et cela ne fait qu’augmenter les inégalités scolaires dont nous savons que la France détient le triste record. Le développement des RASED devrait être une priorité afin de mener les politiques de prévention indispensables et mettre en place des aides nécessaires auprès des élèves les plus fragiles.Il est sans doute temps, pour le ou la ministre à venir, d’entendre enfin les personnels et les organisations syndicales représentatives. Il est sans doute temps de redonner aux instances de concertation leur rôle de dispute sur les projets et les idées, et de leur permettre aussi de trouver la voie, malgré les désaccords, vers un Service public d’Éducation qui n’évince pas les élèves, qui ne fragilise pas les plus fragiles d’entre eux, qui ne maltraite pas les personnels en niant leur professionnalité et en ne les rémunérant pas correctement. Il est nécessaire, de toute urgence, d’abandonner l’ensemble des mesures dites du « choc des savoirs », de revenir sur les réformes du lycée et du bac Blanquer, de mettre fin à Parcoursup et d’investir réellement dans l’Éducation. Les constats alarmants que nous allons dresser dans ce bilan de rentrée et sur le projet de carte des formations, l’imposent.
Depuis de trop nombreuses années la logique qui sous tend l’évolution de la carte des formations est toujours économique. Dans un budget à moyens au mieux constants, l’ouverture d’une section entraîne la fermeture d’une autre. Il n’est pas tenu compte des publics concernés, les plus fragiles et les moins mobiles. Ceux-ci se voient sommés de s’adapter aux besoins de leur proche bassin d’emploi.
Le lycée professionnel dans son ensemble se voit détourner de sa mission première, qui est de garantir l’égalité d’accès pour tous les jeunes à une culture commune et à une qualification reconnue. Au diplôme, garantissant un salaire décent grâce à des conventions collectives, se substituent peu à peu les compétences transversales, certifications, « open badges » ou « colorations ». Venues de la formation continue, ces innovations font leur entrée dans la formation initiale. Ainsi se généralisent les colorations des bacs professionnels dans l’académie. Ils permettent à l’État et aux régions d’économiser sur l’équipement et aux entreprises de faire basculer le coût du budget de la formation de leurs employés sur celui de l’État. Dans ce marché gagnant-gagnant, c’est l’élève de bac pro qui perd. En effet, comment faire croire qu’alors même que les réformes successives (bac pro 3 ans, chef d’œuvre/projet, co-intervention, avancée des épreuves ponctuelles en mai etc.) n’ont fait que réduire le temps de formation, l’intégration de nouvelles compétences « colorées » ne se fera pas au détriment des autres, dont l’acquisition est déjà fragilisée ? Et quel sera l’avenir de formations uniquement focalisées sur le « ici et maintenant » des besoins des entreprises ? La coloration des diplômes est une nouvelle menace à l’équité des diplômes nationaux.
La FSU revendique davantage d’ambition pour les élèves, à l’opposé des injonctions hors sol à la modernisation -qui résonnent cyniquement dans les locaux souvent vétustes de nos LP- et à l’adéquationnisme. La FSU demande une vraie politique de qualifications, sous statut scolaire, pour l’ensemble de la jeunesse, quelles que soient ses origines sociales ou géographiques.
La FSU dénonce un choix politique délibéré de démanteler l’École Publique. En sacrifiant l’Éducation, le gouvernement met en péril l’avenir de notre pays. C’est un mépris pour la jeunesse : en dégradant les conditions d’enseignement, l’exécutif prive les élèves de la formation dont ils et elles ont besoin pour s’épanouir et construire leur avenir. C’est un manque de respect pour les personnels : les enseignants et les enseignantes, les AESH, les psychologues, les CPE et les AED, les infirmières et les administratifs, déjà épuisé
es par une charge de travail excessive, voient leurs conditions de travail continuer à se dégrader et sont toujours en attente d’une revalorisation de leur métier et d’une reconnaissance de leur professionnalité et de leur engagement au quotidien. Les personnels rejettent massivement la politique éducative mise en œuvre depuis 2017 tant elle a accentué les difficultés et renoncé à l’ambition pour tous les jeunes. Les personnels rejettent ces réformes et ces logiques. Ils ne sont pas dupes non plus des annonces salariales très en deçà des pertes de pouvoir d’achat et du déclassement de nos professions, quand dans le même temps les opérations de mobilité et de carrière sont devenues opaques.Au vu du contexte politique actuel, incertain et instable, les fonctionnaires, notamment celles et ceux de l’Éducation nationale, ont massivement fait grève et manifesté, le 5 décembre dernier. Ils et elles ont exprimé leur colère contre le mépris dont ils et elles sont victimes depuis trop longtemps et contre le budget d’austérité du gouvernement Barnier et les mesures de Kasbarian qui étaient reçus comme une provocation.
De plus, le défilé des ministres de l’Éducation nationale, méconnaissant totalement notre ministère ou trop désireux de se construire un destin politique, conjugué aux réformes imposées au pas de charge et sans concertation, dénoncées les unes après les autres par la FSU, est néfaste à la qualité de notre Service public d’Éducation. L’Éducation nationale a besoin de stabilité et d’un temps long nécessaire à la mise en place d’une politique volontariste et ambitieuse pour les élèves mais aussi pour tous les personnels.
La mobilisation du 5 décembre a montré la détermination des personnels à obtenir un budget ambitieux pour le Service public et respectueux de celles et ceux qui les font vivre : création de postes, augmentation des salaires, plus de moyens pour améliorer les conditions de travail des agents et agentes mais aussi pour améliorer le service aux usager es. Dans l’Éducation il y a urgence à engager une politique éducative, volontariste, pour améliorer enfin l’attractivité de nos métiers, nos conditions de travail et les conditions d’apprentissage des élèves. Espérons que le nouveau gouvernement l’entende.