Madame la Rectrice,
Mesdames et messieurs les membres de la Formation spécialisée santé sécurité conditions de travail de l’académie,
Cette instance se réunit pour la troisième fois dans notre académie et pour la dernière fois de l’année 2022-2023. Lors de notre séance d’installation, nous déplorions les violences faites aux travailleuses et aux travailleurs par l’État employeur. Ce dernier déstabilisait l’École de manière brutale et impréparée à travers la suppression de la technologie et l’imposition de deux ans de travail supplémentaire avant l’accès à la retraite. Retraite, rappelons-le, dont les montants sont encore amputés, spécialement pour les femmes qui paient un lourd tribut à cette réforme adoptée sans écoute des organisations de salariés et sans vote de la représentation nationale.
Quatre mois plus tard, l’actualité est toujours féroce pour les professeur es de technologie dont le sort semble stabilisé dans l’académie de Limoges à la rentrée 2023... mais qu’en sera-t-il à la rentrée 2024 ? Nul ne le sait. Dans le même temps, les annonces récentes concernant les AESH ou des personnels de la voie professionnelle inquiètent, alors que le Pacte au mieux désoriente au pire traumatise toute la profession. Lors de la réunion de la FS de mars dernier, nous dénoncions le calendrier de déploiement d’op@le avec un outil encore expérimental et non fiabilisé, car nous savons que ces changements à marche forcée sont générateurs de forts risques psycho-sociaux. A quoi servent nos déclarations liminaires ? Qui les lit ? Qui les prend en compte au niveau du ministère pour que les mêmes méthodes brutales et insensées soient sans cesse répétées, conduisant aux mêmes souffrances des personnels, aux mêmes ravages sur les corps et les esprits des agents de notre service public ?
Il en est de même pour les travaux des CHSCT et des FS-SSCT. Notre académie s’est particulièrement intéressée et s’intéresse toujours aux spécificités du métier d’Accompagnants d’Élèves en Situation de Handicap. Alors que nous réclamons la reconnaissance des qualifications des personnels AESH, de la pénibilité de leur travail, le Président de la République a annoncé mercredi 26 avril, lors de la Conférence Nationale du Handicap, un retour en arrière dramatique concernant leur métier. Il serait en effet question de « regrouper le cadre d’emploi des AESH avec celui des A.E.D autour du métier d’accompagnant à la réussite éducative (ARE) ».
Quel signe envoie notre ministère aux AESH et aux A.E.D sinon celui de la négation de leur métier, de leur mission et de leur professionnalité ? Par ailleurs, dans des départements ruraux comme les nôtres, la mise en place d’une telle mesure engendrerait des détériorations supplémentaires de leurs conditions de travail. Pour la FSU, la reconnaissance du métier d’AESH passe non pas par une fusion avec le métier d’A.E.D mais par la création d’un corps de fonctionnaires de catégorie B, un employeur unique, une revalorisation salariale substantielle, mais aussi par l’abandon des PIAL et une stabilisation de l’accompagnement des élèves.
Les annonces précipitées de réforme de la voie professionnelle, outre les aspects redoutables qu’elle induit pour les jeunes en terme de renoncement à l’ambition scolaire, de ségrégation et de soumission aux diktats des employeurs, portent en elle la disparition de 80 filières avec pour corollaire la suppression prochaine de centaines de postes. Elles sont d’une extrême violence pour les personnels, à la fois dans la forme mais aussi dans le fond. Après l’invention des interventions des professeur es des écoles en collège, le message envoyé est que maintenant tous les personnels sont interchangeables, reconvertibles en un claquement de doigt. En clair, les personnels sont déniés dans leur professionnalité et pour tout dire méprisés.
A quelques semaines des vacances scolaires, et alors que la rentrée 2023 est déjà en grande partie organisée, tout est fait pour plonger l’ensemble des collègues des LP dans la plus grande des insécurités professionnelles et dans le plus grand désarroi. Pourrait-il en être autrement quand les métiers de l’enseignement professionnel sous statut scolaires seront cassés ? Pour ceux et celles qui ont un peu de mémoire, le scénario actuel n’est pas sans rappeler la réforme de la voie technologique qui avait ébranlé la profession et conduit au suicide d’un collègue d’un lycée de Marseille en septembre 2013, à la veille de la rentrée. Notre institution pourrait-elle un jour cesser de reproduire les mêmes erreurs pour qu’on n’ait pas à pleurer les mêmes effets ?
Comment admettre, à notre époque, de nouvelles réformes de cette ampleur sans qu’aucune étude d’impact sur les personnels, sur leur travail, sur leur emploi et sur leur santé soit envisagée ? Cette prérogative des F3SCT est ignorée au détriment des PLP. Sur l’académie de Limoges, les collègues des lycées Pagnol et Bort-Artense, entre autres, sont fortement impacté es et en grande souffrance, suite à l’annonce des fermetures des formations tertiaires et de vente et commerce par le Président. Au risque de nous répéter, tout employeur (et l’État ne fait pas exception !) a des obligations de protection de la santé des personnels.
Madame la Rectrice, nous, représentantes et représentants de la FSU au sein de la formation spécialisée, vous le déclarons solennellement : nous sommes aujourd’hui inquiètes et inquiets pour la santé de nos collègues de la voie professionnelle mais aussi pour leur vie.
Le Pacte, enfin, est un signe supplémentaire au mieux de la méconnaissance au pire du mépris du ministère pour ses agents. Les études du ministère lui-même ont montré que plus de la moitié des enseignant es travaillent plus de 43 heures hebdomadaires. La mise en place d’une telle mesure va générer inévitablement une surcharge de travail qui pourra être source d’épuisement professionnel pour les personnels s’engageant dans le Pacte. Dans le premier degré, le temps de travail en équipes (réunions, concertations, conseils de maitres...) va en être particulièrement perturbé générant des situations de tensions entre les personnels, tensions possiblement exacerbées par la position hiérarchique donnée aux directrices et directeurs.
La réponse gadget du ministère en forme de « travailler plus pour gagner plus » n’est pas adaptée : pire, elle induit des logiques concurrentielles dans le salaire qui ne peuvent que diviser les collectifs de travail et contribuer en outre à augmenter les inégalités salariales entre les femmes et les hommes, à rebours du plan pour l’égalité professionnelle dans la Fonction publique. La FSU dénonce la mise en place de ce Pacte qui aura des conséquences sur la santé des personnels comme sur le fonctionnement des établissements, quand dans les écoles ce sont l’horizontalité et la collégialité qui seront remises en cause.
Ces trois constats (AESH, voie professionnelle et pacte) en forme d’attaques dangereuses porteuses de drames humains, nous les devons au ministère. Et ils pèsent lourd. Pour autant, même si nous pouvons vous l’avouer c’est difficile dans la période, nous ne renonçons pas dans l’académie de Limoges à faire progresser les conditions de travail de tou tes les collègues, par une mise en application des axes du programme annuel de prévention. Nous entendons nous appuyer sur les rapports de la médecine des personnels, du service social en faveur des personnels et des espaces d’accueil et d’écoute (réseau PAS) de la MGEN, non pour « mettre la poussière sous le tapis » mais pour que les choses changent.
Deux chantiers sont d’ores et déjà en route :
– Le premier est la visite inversée des professeur es d’EPS qui va entrer dans une nouvelle phase de suivi des préconisations. Notre académie, sans attendre des améliorations nationales pourtant indispensables – mais bien incertaines au regard de la manière dont notre ministère traite globalement ses personnels –, doit s’engager concrètement pour changer le quotidien des collègues d’EPS du début à la fin de leur carrière. Il en va de la légitimation de notre instance et, ce qui est plus important, de la confiance que les agent es pourront porter dans leurs autorités de tutelle.
– Le deuxième est celui de l’objet de la visite d’établissement que nous entendons enfin mener à la rentrée 2023. Nous avons, lors de la réunion de la FS-SSCT de mars avancé des axes de réflexion sur l’organisation des collectifs de travail, sur le pilotage des équipes… en fait sur le « management ». Les remontées de fiches SST les plus récentes font état de signaux forts qui témoignent de façons de communiquer inadéquates ou d’une charge de travail irréalisable engendrant conflits, problèmes de santé ou burn out dans des proportions inquiétantes.
A l’issue du groupe de travail du 20 juin, nous proposerons un questionnaire à adresser à l’ensemble des personnels du 1er établissement que nous visiterons à la rentrée 2023. Ce questionnaire sera, souhaitons-le, le support d’autres visites de notre formation. En effet, dans un contexte de collectifs de travail de plus en plus dégradés où la communication semble parfois rompue, notre rôle de préventeur est renforcé : proposer des préconisations pour que cela aille mieux partout.
Nous évoquions en début de déclaration la violence de notre tutelle nationale et les menaces qui pèsent sur la santé et la vie des collègues. Nous souhaitons que le message soit entendu au plus haut niveau. Pour autant, dans notre petite académie, avec ses dix mille agents, l’administration a aussi, à son niveau à elle, des moyens d’agir et une responsabilité. Contrairement à ce qui se passe chez certains patrons du privé qui broient leurs ouvrières et leurs ouvriers, chez nous, DRRH s’écrit avec deux « r ». Un pour les « relations » et un pour les « ressources ». Gageons que notre académie puisse s’enorgueillir de faire vivre ce premier « r », celui des relations humaines dans ses proclamations, dans son PAP en ce qu’il porte d’engagements en termes de Qualité de Vie et Conditions de Travail, mais aussi et avant tout, dans le moindre recoin de nos trois départements, dans le réel.
15 juin 2023