La réunion de ce CAEN va être l’occasion d’aborder plusieurs points majeurs concernant le système éducatif.
La rentrée 2019 sera marquée par la mise en place de la réforme du lycée et du baccalauréat. Vous le savez, nous le répétons depuis plusieurs mois maintenant, ces réformes sont largement rejetées par les enseignants et par un nombre croissant de parents et d’élèves. Non parce que nous serions frileux, craintifs ou rétifs à toute évolution du système éducatif. Mais parce que nous faisons l’analyse que ces réformes organisent un remodelage du second degré allant dans le sens d’un accroissement des inégalités entre les jeunes, entre les établissements et entre les territoires. Il ne s’agit pas de lutter contre les inégalités mais de les renforcer. Il ne s’agit pas de lutter contre l’échec scolaire mais d’évincer un certain nombre de jeunes d’une poursuite d’études et de l’accès aux qualifications. Il ne s’agit pas de démocratiser la réussite scolaire et d’élever les niveaux de qualification, mais de mettre en place un système élitiste renonçant à l’ambition pour tous. Nous rejetons ce lycée inégalitaire et ségrégatif assignant à résidence des élèves dans leur territoire et leur origine sociale par un choix de spécialités inégal en fonction des lycées et par l’instauration d’un bac « maison » dont la valeur dépendra de l’établissement dans lequel il sera obtenu. Le bac ne sera par ailleurs ni plus simple ni moins chronophage. Vous mettez an avant dans le document préparatoire la douzaine d’épreuves dans le bac actuel, le bac rénové se passera sur deux ans et comportera au minimum 22 épreuves. Nous voulons par ailleurs tordre le coup à l’argument souvent avancé de la nouvelle liberté de choix accordée aux lycéens. Cet argument ministériel maintes fois répété est totalement contredit par la réalité des faits. D’abord, le choix des lycéens est limité par les spécialités et options offertes dans leur lycée. Ce choix est aussi limité par les contraintes liées à la taille des groupes et à la confection des emplois du temps. Il n’est pas possible pour un élève de suivre une spécialité dans un autre établissement contrairement à ce qui nous avait été affirmé. Rien n’est assuré non plus sur la possibilité pour un élève de changer d’établissement afin de suivre les enseignements de spécialités souhaités. Enfin, il nous semble hasardeux de prétendre que tous les choix se valent et que toutes les combinaisons de spécialités ont un sens. Les plus naïfs ou les moins avertis de nos élèves le croient et risquent d’être confrontés au moment de leur poursuite d’études dans le supérieur à une sélection impitoyable. La mobilisation des enseignants est forte depuis des mois, leur rejet de ces réformes est répété. La grève du 17 juin a encore montré une mobilisation significative alors même que faire grève le premier jour du bac a été pour nombre de collègues, attachés à la réussite de leurs élèves, une décision difficile à prendre. Les parents et les élèves expriment aussi leurs inquiétudes. Nous réaffirmons ici que le Ministre doit l’entendre et ouvrir des discussions. On ne voit pas ce qu’il gagne à s’obstiner dans son refus, on voit bien par contre ce qu’élèves, enseignants et service public d’éducation ont à y perdre !

La réforme de l’orientation scolaire est mise en œuvre au pas de charge sans aucune concertation avec les organisations syndicales. Elle révèle une vision de l’orientation assujettie prioritairement aux besoins économiques locaux, ce qui va à l’encontre d’une vision émancipatrice d’une école luttant contre les freins et les déterminismes sociaux, nous ne pouvons nous y résoudre. La manifestation nationale du 18 juin à Paris a montré la détermination des Psychologues de l’Education nationale à faire obstacle à cette politique.
Le « cadre national de référence » fixe les conditions de coopération des régions avec l’Etat. Le projet de convention cadre régional va bien au delà dans son article 4, en permettant la mise à disposition des directeurs de Centres d’Information et d’Orientation auprès de la Région. Ce reviendrait à donner à la Région une autorité fonctionnelle sur les missions des directeurs de CIO et sur une partie du pilotage de l’orientation scolaire avec les risques de dérives que cela entraîne. Ce projet ne peut rester en l’état.

Nous voudrions pour finir nous féliciter de l’adoption par la Région d’un dispositif de gratuité des manuels scolaires pour les rentrées 2019 (Secondes et Premières) et 2020 (Terminale) concernant les élèves des lycées généraux et technologiques. Vous le savez, nous étions demandeurs d’une telle mesure qui est une mesure de justice sociale. Nous sommes satisfaits d’avoir été entendus sur ce point. Nous avons cependant adressé au Président du Conseil Régional, un courrier pour alerter sur les problèmes de mise en œuvre du dispositif qui doivent être surmontés rapidement.
Tout d’abord, l’enveloppe allouée (200 €) pour chaque élève de lycée général et technologique nous semble trop juste pour permettre le financement de l’ensemble des manuels. Il ne serait pas acceptable que les équipes soient contraintes à des choix privant certaines disciplines de manuels scolaires.
Ensuite, le calendrier de mise en œuvre dans les lycées publics pose problème. Le choix de confier aux élèves la responsabilité de l’achat des manuels, va conduire à des délais d’équipement importants. En effet, la plateforme numérique à laquelle devront se connecter les élèves ne sera opérationnelle qu’en septembre. Cela laisse craindre que tous les élèves ne disposent pas de leurs manuels avant les vacances de la Toussaint, alors même que les premières épreuves de bac sont prévues pour janvier 2020. Pourquoi ne pas fournir, par exemple, directement par l’intermédiaire des établissements une contremarque aux lycéens valablement inscrits, à défaut d’une gestion à l’image de celle pratiquée dans les établissements privés ?
Enfin, vous semblez vouloir vous appuyer sur les associations de parents d’élèves pour assurer l’identification des manuels pour cette rentrée puis la gestion de ceux-ci en début et fin d’année scolaire. La faisabilité de ces opérations dans un grand nombre de lycées nous parait impossible et nous vous invitons à réfléchir à la mise à disposition des lycées de personnels affectés à cette mission.