Déclaration du SNES-FSU
Ce CTA se tient dans des circonstances exceptionnelles. La confiance est totalement rompue entre les enseignants et le gouvernement Macron-Philippe-Blanquer. Le projet de réforme des retraites est massivement rejeté par l’opinion et par les salariés au premier rang desquels les enseignants, grèves et manifestations durent depuis plusieurs semaines. Les promesses de Jean Michel Blanquer sur un niveau de revalorisation permettant de compenser les pertes n’arrivent pas à nous convaincre d’autant que le Conseil d’Etat vient de juger irrecevable l’inscription dans la loi de la vague promesse gouvernementale. Les 500 millions annoncés pour 2021 ne permettraient aucunement de compenser les pertes majeures de 300 à 900 euros mensuels sur les retraites des enseignants qui découleraient de la mise en place de la réforme par points. La redéfinition des missions et des statuts des enseignants envisagée est inacceptable et constitue une véritable provocation.
La politique éducative est elle aussi massivement rejetée car elle est porteuse d’inégalités entre les territoires et entre les jeunes et qu’elle organise le renoncement à la démocratisation du système éducatif et à l’élévation des qualifications. Le bilan que l’on peut faire de la mise en place de la réforme du lycée est à cet égard éclairant. Contrairement à ce que le ministre annonçait, la réalité de la réforme ce n’est pas plus de liberté et plus de choix pour les élèves mais c’est au contraire le constat de l’augmentation des déterminismes sociaux et de genre dans le choix des spécialités, c’est aussi le constat de la reconstitution des anciennes séries pour les « initiés » du système scolaire, c’est aussi le constat d’inégalités territoriales renforcées. Les services statistiques du ministère ont par ailleurs fourni des données qui confirment nos analyses. Le Ministre a toujours refusé d’entendre nos alertes répétées sur les programmes, programmes pléthoriques, très lourds, très hermétiques pour de nombreux élèves et impossibles à mettre en œuvre de façon satisfaisante dans les conditions imparties. Et il aura fallu attendre début janvier pour que quelques aménagements soient apportés à la marge ne réglant pas l’ensemble des difficultés auxquelles jeunes et enseignants sont confrontés. Le Ministre reste sourd à la demande intersyndicale à laquelle la FCPE s’est associée d’annulation de la première session des E3C et de report en épreuves terminales. Au-delà des problèmes de fond d’un bac renvoyé davantage au local, la situation matérielle est chaotique du fait des difficultés liées aux sujets, celles non réglées des conditions de passation des épreuves, des conditions de corrections. Aucune réponse n’est apportée à nos demandes de temps banalisé pour se concerter et pour corriger. Le stress est important pour les élèves et leur famille, la colère est forte chez les enseignants. Vous devez l’entendre.
Un autre signe de la crise profonde que traversent nos métiers est le constat de la poursuite de la baisse du nombre de candidats aux concours de recrutement de l’ordre de moins 10% d’inscrits pour la session 2020, cette baisse concerne aussi de nouvelles disciplines jusque là épargnées notamment les SVT et les SES. La crise touche tout à la fois au sens du métier, aux conditions d’exercice et à la faiblesse des rémunérations.
Et ce n’est pas le cadre budgétaire dans lequel la rentrée 2020 se prépare qui est de nature à améliorer la situation. Le ministre supprime 820 emplois dans les académies pour 22 500 élèves supplémentaires. Dans l’académie, on assiste à un nouveau retrait d’emplois dans le second degré, 4 emplois de moins après les 60 suppressions de l’an dernier, pour 150 élèves de plus cette année et 81 de plus l’an dernier.
Vous retirez ainsi 7 emplois des collèges et 8 des activités à responsabilité académique. La création de 3 emplois en SEGPA, accompagnant l’évolution des structures, ne permet pas de revenir sur les suppressions horaires de l’an dernier, que nous continuons à contester. Ainsi 12 emplois sont effectivement ponctionnés dans l’académie, au-delà des 4 annoncés publiquement en CTM. L’académie est donc concernée par le retrait provisoire de moyens annoncé par le ministre, 350 emplois au niveau national, et ce à un niveau important.
Si les « retraits provisoires » sont à la mode dans la période, les dégâts eux sont bien durables : conditions d’encadrement dégradées, marges d’autonomies rognées en collège, possibilités de travailler en groupe diminuées partout.
Le SNES-FSU considère que le ministère, comme il s’y est engagé en CTM, doit financer les ajustements du mois de juin. Ainsi, les DGH transmises aux établissements ne doivent pas tenir compte de la création d’une réserve de moyens à la hauteur des années précédentes, sinon seront prononcées des suppressions de postes plus nombreuses dans les établissements au mois de mars. Enfin, le mode de financement du lycée Blanquer continue à poser des difficultés majeures, puisqu’il ne prend pas en compte le nombre d’options ou de spécialités implantées dans les lycées, ce qui contribue au creusement des inégalités entre lycées et élèves.
Déclaration de la FSU
Madame la Rectrice,
Nous sommes réunis aujourd’hui pour une séance du Comité Technique Académique hors norme.
Cette séance est hors-norme car elle est convoquée alors que se déroule dans le pays depuis plusieurs semaines un mouvement social contre la réforme des retraites auquel l’opinion publique apporte majoritairement son soutien et auquel les personnels de l’éducation nationale participent avec force, détermination et ténacité. Cette réforme prévoit une baisse des pensions pour le plus grand nombre, un allongement du temps de travail, elle précarise la retraite et casse les solidarités entre les générations.
Parce qu’elle écarte les fonctionnaires civils du Code des Pensions, cette réforme est une atteinte au statut du fonctionnaire d’État. La pension ne sera plus ni calculée sur la base des six derniers mois ni payée par le budget de l’État. Ce ne sera d’ailleurs plus une pension. La pension est un salaire continué conçu pour garantir aux fonctionnaires le maintien d’un niveau de vie digne après une carrière consacrée au service de l’intérêt général. Le régime universel, outre qu’il engendre un effondrement des pensions des fonctionnaires qui ont peu de primes, et les professeurs ne sont pas les seuls dans ce cas-là, banalise le service de l’État. Le régime universel, c’est une négation de la fonction, structurante de notre contrat social, que jouent les institutions de la République et les services publics. Les personnels que nous représentons sont déterminés à obtenir le retrait de ce projet de loi, l’avis cinglant du Conseil d’État leur donne raison. Des alternatives existent pour financer les retraites dans la durée.
Cette séance est hors-norme également car elle se tient au moment où les premiers éléments de la loi du 6 août 2019 dite « de transformation de la fonction publique » entrent en application. A l’instar de la réforme des retraites qui dénature le lien entre le fonctionnaire retraité et l’État, cette loi dénature le lien entre le fonctionnaire actif et l’État. Cette loi place le recours au contrat au même rang que le recrutement de titulaires, elle facilite les restructurations et permet les abandons de missions, les délégations de service public, les externalisations et les privatisations, elle encourage l’individualisation des rémunérations et des primes, elle donne au supérieur hiérarchique direct des pouvoirs en matière de sanction, d’affectation, de promotion, de rémunération. Le dessaisissement des commissions paritaires de leurs compétences en termes de mobilité et de promotion porte atteinte au fonctionnement démocratique de notre institution et va amplifier la perte de confiance des personnels en l’institution. C’est également une attaque sans précédent contre la démocratie sociale puisqu’elle s’inscrit à rebours de la longue marche vers la démocratisation de notre Etat, dont le Conseil National de la Résistance, la constitution de 1946 et les lois Le Pors de 1983/84 sont les jalons. La démocratie n’est pas complète quand les contre-pouvoirs et les corps intermédiaires sont privés des outils qui leur permettent d’agir, quand le fonctionnement de l’appareil d’État et celui du monde du travail échappe à la délibération et à la confrontation des points de vue. Dans l’éducation plus encore, parce qu’il est en charge de l’émancipation de la jeunesse, le fonctionnaire est un fonctionnaire citoyen qui doit pouvoir jouir des attributs démocratiques du citoyen et avoir un droit regard sur le fonctionnement du service et sur les décisions de l’administration.
Cette séance est enfin hors-norme car elle ouvre la préparation de la rentrée scolaire 2020 sous l’égide d’un budget et de réformes qui continuent à dégrader le service public d’éducation. Ces budgets étriqués successifs et ces réformes s’inscrivent dans un contexte d’épuisement professionnel, de lassitude et surtout de colère. Les raisons en sont connues : conditions de travail dégradées, manque de matériel, effets d’un management parfois agressif, manque de considération. Elles s’inscrivent dans un contexte d’écœurement face à la faiblesse chronique des rémunérations et aux discours médiatiques mensongers. Aussi, la profession n’acceptera pas une prétendue revalorisation aux effets lointains et liée à des contreparties sur le temps de service, les missions, le management. Nos collègues exigent le dégel immédiat du point d’indice, une revalorisation immédiate et sans condition des salaires de tous. Ils n’accepteront pas un sous-statut pour les jeunes professeurs. Car d’ores-et-déjà, les étudiants se détournent du professorat, et il serait irresponsable de mettre en péril les recrutements futurs dont le service public d’éducation a cruellement besoin.
A ne rien vouloir entendre le ministre Blanquer et le gouvernement prennent le risque d’une crise majeure, ils doivent l’entendre. Ne vous murez pas dans la même surdité que le ministre, entendez-nous.