La carte des spécialités qui nous est présentée aujourd’hui conduit à de nombreux reculs de l’offre de formation dans les lycées, qu’ils soient immédiats ou à venir. C’est la conséquence de la réforme Blanquer du lycée, menée à marche forcée, le ministre ayant piétiné au passage toutes les instances ayant eu à donner leur avis sur ses réformes : parcoursup, le bac, le lycée. Qu’est-ce qui justifie d’aller aussi vite ? Au point de ne pas savoir quels enseignants seront en mesure d’enseigner certains contenus dans 9 mois ! Au point de ne pas savoir quel sera le format des épreuves que les lycéens devront passer dans 12 mois ! Au point de ne pas savoir si les établissements seront en capacité de mettre en oeuvre la prétendue liberté de choix des lycéens ! Qu’est-ce qui justifie d’aller contre l’avis majoritaire des organisations
syndicales et des enseignants hostiles à ces réformes ? Qu’est-ce qui justifie de mettre dans la rue des lycéens inquiets de leur avenir ? Qu’est-ce qui justifie de nier les contestations ? Et pourquoi y répondre, toujours par le mépris, comme si les détracteurs du ministre n’avaient décidément pas compris ?
Tout cela est irresponsable.
Mais tout le monde a bien compris le remodelage du second degré qui est à l’oeuvre : donner corps au bac-3/bac+3 tout en excluant un nombre significatif de jeunes de cette perspective. Au travers tout d’abord d’un lycée ségrégatif aux programmes élitistes et idéologiques, mais aussi au travers d’un enseignement supérieur sélectif, qui fera son marché dans les lycées réputés satisfaire à ses exigences. Tant pis alors pour les lycéens des lycées moins cotés ou périphériques, ou de ceux ne disposant pas des bonnes spécialités. Tant pis si le lycéen n’est pas mobile, tant pis s’il n’a pas fait les bons choix de spécialités ou d’établissements, tous alors en concurrence. Et c’est sur cela qu’il nous est demandé de nous prononcer aujourd’hui.
La carte des spécialités que vous proposez Madame la Rectrice a certes évolué depuis le groupe de travail du 26 novembre et nombre de nos remarques ont été entendues comme les mobilisations de certains établissements. Cependant les reculs sont réels dans l’implantation des options technologiques, qui ne bénéficient pas du traitement de faveur réservé au latin, ce qui ne peut que fragiliser la voie technologique. De plus certaines spécialités ne seront pas présentes dans notre académie comme HIDA ou musique. Enfin les choix opérés vont conduire à la fragilisation de certains établissements ou de certaines de leurs filières et vont conduire les élèves à des choix contraints.
Mais ce qui est plus inquiétant encore, qui ne figure pas dans les documents, c’est la carte effective des spécialités et des options à la rentrée 2019. Vous prévoyez en effet de définir des seuils d’ouverture pour les options et les enseignements de spécialités, sans nous dire jusqu’alors quels sont ces seuils, à quel moment ils seront examinés, qui tranchera sur l’absence d’ouverture effective et sur les solutions proposées alors aux lycéens privés d’un enseignement que le ministre leur a pourtant promis.
La gestion des ressources humaines dans ces conditions relève aussi de l’impossible avec des choix d’élèves ne relevant pas de la même temporalité que les affectations des enseignants et la préparation de rentrée dans les établissements. Dans le même temps, le nouveau baccalauréat va, dès janvier 2020, désorganiser complètement les lycées sur de longues périodes et ce plusieurs fois dans l’année. Tant pis, nous direz-vous sans doute, pour les professeurs chargés dans ces périodes d’assurer leurs cours et de corriger les copies d’examen.
Inutile donc de promouvoir l’École de la confiance, les éléments de langages ne conviennent décidément pas à la politique menée par le ministre. Comment comprendre la volonté d’inclure dans la loi des dispositions permettant de sanctionner l’expression des personnels en dehors de l’exercice
de leurs missions ? Mettre au pas les professeurs, les faire taire ?
C’est cela la confiance ?
Quelle confiance peut-il y avoir alors que 2650 emplois d’enseignants sont supprimés dans un contexte de hausse démographique, que la formation des enseignants est menacée et avec elle 25 000 emplois ? Quelle confiance peut-il y avoir alors que les réformes sont aussi comptables en plus d’être
ségrégatives ?
C’est pourquoi le SNES-FSU considère que c’est l’ensemble de la politique éducative qui doit être revu et que concernant la réforme du lycée, ni la structure de ce nouveau lycée, ni les futurs programmes ne peuvent être mis en oeuvre en l’état à la rentrée 2019.