Déclaration SNES-FSU – CTA 11 juin 2019
En ce premier CTA sous votre présidence, nous voudrions, Madame la Rectrice, retracer brièvement un historique récent de la situation dans les collèges et les lycées de notre académie.
Ces dix dernières années, 490 équivalents temps plein de professeurs de second degré ont été supprimés, rentrée 2019 incluse où 60 suppressions sont opérées. Ces dix dernières années les effectifs ont augmenté de près de 900 élèves dans le second degré, l’équivalent d’un gros lycée de l’académie, à la rentrée prochaine les effectifs ne diminuent que de 37 élèves. Le taux d’encadrement académique a été brutalement ramené au niveau du taux moyen national. Le nécessaire financement de la ruralité de notre académie n’est donc plus pris en compte, et la dégradation des conditions de travail des personnels et d’étude des élèves est ainsi continue depuis 10 ans.
C’est dans ce contexte que s’est mise en place la réforme du collège, dont nous avons toujours dit qu’elle permettait des suppressions de postes, ce que cette rentrée confirme avec la fonte des marges d’autonomie, et que se mettent en place les réformes Blanquer.
Les réformes des lycées et du baccalauréat sont très largement rejetées par la profession. Elles conduisent à des menaces sur les postes, à une diminution de l’offre de formation, à une réduction des heures à effectifs réduits et à une augmentation de la charge de travail des enseignant-e-s, à la mise en place de bacs locaux qui vont désorganiser les lycées et dont la valeur reposera sur la réputation des établissements. Ces réformes, dont les visées budgétaires sont évidentes, vont accroître les inégalités sans répondre à la nécessité d’améliorer le Service Public d’Éducation pour assurer la réussite de tous les élèves et élever les niveaux de qualification. Au contraire, elles sont pensées dans l’objectif d’évincer une partie des jeunes, avec la mise en place d’un impitoyable bac-3/bac+3 dans lequel seuls les meilleurs sont amenés à réussir.
Les élèves sont conduits à des choix extrêmement précoces, trop précoces, en fin de 2de, voire en fin de 3e. Dans un tel schéma ce sont les familles les plus au fait des attendus scolaires, les plus favorisées qui font les bons choix (l’exemple du système éducatif anglais en témoigne largement).
C’est d’autant plus inégalitaire, que les élèves se trouvent prisonniers d’une offre de formation, inégalement répartie sur le territoire, celle présente dans leur lycée de secteur. Si la possibilité de changer de lycée en fin de 2de, pour suivre une spécialité qui n’y serait pas offerte, est a priori ouverte, elle est soumise à des conditions que personne ne connait vraiment à ce jour alors même que les conseils de classe se sont tenus…
Pour autant, même si les spécialités sont présentes dans leur lycée, la prétendue liberté de choix des lycéens n’a pas fait illusion longtemps. Des élèves se voient ainsi priés de modifier leurs vœux de spécialités, certaines triplettes n’étant pas organisées dans leur lycée compte tenu des contraintes d’emploi du temps. Le disruptif a ses limites !
La fin des séries a été présentée comme une nécessité, jamais démontrée or que constate-t-on ? La triplette maths-physique chimie-SVT est choisie dans les mêmes proportions que l’était la série S et s’il y a des variantes c’est moins souvent par choix que par élimination d’une des trois spécialités. C’est encore plus criant dans des cursus à coloration économique et sociale où les élèves ont massivement renoncé aux maths, car l’opportunité leur en était donnée, avec des conséquences que personne n’est en capacité de mesurer pour leur accès à l’enseignement supérieur sélectif. Génération crash-test !
La voie Technologique semble particulièrement en difficulté. La suppression de nombreuses options technologiques à la rentrée prochaine en 2de, options qui pouvaient donner de la visibilité à la voie technologique, va probablement aggraver la situation.
Enfin, les programmes ont été élaborés dans la plus grande opacité, sans tenir compte de la consultation alibi des professeurs, dont les résultats n’ont jamais même été évoqués ni des votes quasi unanimement défavorables en CSE. Ces programmes sont élitistes pour certains, passéistes pour d’autres, ou encore parfois idéologiques, toujours extrêmement lourds et inadaptés aux élèves dans leur grande majorité. Ils sont source d’inquiétude très forte pour les enseignants qui devront les mettre en œuvre dans les pires conditions matérielles (hétérogénéité des groupes, absence de dédoublement, perspectives des évaluations de contrôle continu, emplois du temps dégradés pour les élèves comme pour les professeurs).
Le système éducatif que dessine au pas de charge J-M Blanquer, plus inégalitaire, plus ségrégatif, où les élèves sont renvoyés à leur propre responsabilité en cas d’échec, où les personnels sont méprisés et leurs métiers prescrits et insécurisés, est rejeté par les personnels et leurs organisations syndicales, par les familles et leurs associations, par les jeunes et leurs syndicats. A l’ensemble des alertes, réunions et votes d’instances, grèves, manifestations, le ministre n’a répondu que par le mépris et une fin de non-recevoir.
C’est pourquoi nous sommes contraints d’appeler, de façon très solennelle, les enseignants et les personnels des collèges et lycées à la grève le 17 juin prochain, premier jour des épreuves du bac. Il reste encore le temps au ministre et au gouvernement d’ouvrir des discussions sur leurs réformes, sur les salaires, pour éviter cette grève. Malheureusement par ses déclarations récentes, J-M Blanquer persiste dans le mépris et le refus du dialogue. Il porte ainsi avec l’ensemble du gouvernement l’entière responsabilité des désordres qui pourraient résulter de leur jusqu’au-boutisme.
Déclaration FSU - CTA 11 juin 2019
Un tiers des enseignants étaient en grève le 9 mai pour exprimer leur opposition aux projets de loi de « transformation » de la Fonction publique, aux côtés des autres fonctionnaires et agents publics. Ils manifestaient aussi leur rejet du projet de loi de l’école de la « confiance », des réformes du bac, du lycée et du lycée professionnel, des suppressions de postes. 10 000 d’entre eux ont manifesté samedi 18 mai à Paris, toujours pour dire non à ces orientations. Et ce malgré la sidération que génère la brutalité de la politique menée par le gouvernement. Et ce malgré la répression violente des mouvements sociaux, y compris à l’encontre d’organisations syndicales, comme la FSU le 1er mai à Paris, y compris par l’arrestation et l’intimidation de militants syndicaux.
Les amendements à la loi Blanquer adoptés par le Sénat : annualisation des services dans le cadre d’expérimentations, obligation de formation continue en dehors du temps de service et pendant les vacances scolaires, contrats de missions permettant de déroger aux règles de mutation, avis préalable du chef d’établissement sur l’affectation des professeurs ou CPE, autorité hiérarchique du directeur d’école sur les autres professeurs, sont bien évidemment inacceptables. Le ministre serait bien avisé de n’en retenir aucun et de retirer sa loi dont l’ensemble dessine un système éducatif plus inégalitaire rejeté par les enseignants et les familles. Le recul sur les établissements des savoirs fondamentaux ne suffit pas.
La réforme Dussopt de la Fonction publique prend le contre-pied de 50 ans de progrès social. Elle dépouille les fonctionnaires des garanties concédées en contre-partie des contraintes spécifiques du statut en les privant de la défense de leurs droits en CAP sur l’avancement, les promotions et les mutations. Nous voyons là un signe supplémentaire de la dérive autocratique de ce gouvernement que l’on perçoit par exemple également dans l’article 1 de la loi Blanquer.
« Laisser libre cours à la déconcentration managériale » pour donner aux supérieurs hiérarchiques locaux les leviers du recrutement, de l’affectation, de l’avancement, de la promotion, et même de la sanction, avec la nouvelle sanction des 3 jours de suspension sans traitement, cela revient à asservir le fonctionnaire, à le placer sous la coupe des hiérarchies locales là où le statut général de 1946, réaffirmé et actualisé par les lois de 1983 et 1984 puis confirmé en 2010 et 2016, consacre « le fonctionnaire citoyen », garantie du caractère démocratique du Service Public.
Les commissions paritaires sont des lieux de contrôle et d’amélioration des carrières individuelles et des cadres collectifs de gestion : la transparence y est la règle, l’arbitraire du mérite y est combattu, les droits des personnels y sont respectés. Le travail en profondeur qui y est mené par les commissaires paritaires de la FSU bénéficie à toutes et tous, toutes les CAPA, FPMA et CAPD en témoignent. La suppression de leurs prérogatives rendrait toute décision de l’administration suspecte et jetterait sur les promu-e-s ou les muté-e-s un voile de suspicion. On voit aisément ce que les personnels et les collectifs de travail auraient à y perdre, mais quel y serait l’intérêt de l’institution ?
La volonté de diluer les CHSCT au sein des futurs comités sociaux d’administration, avec l’objectif à peine dissimulé de mettre un terme aux travaux menés dans ces instances, dans un contexte où les difficultés professionnelles s’expriment avec force, est tout aussi inacceptable et relève de la même logique qui a prévalu dans le privé avec la mise en place de la loi travail. Avec ce gouvernement, pour les salariés c’est « marche ou crève ».
La FSU mettra tout en œuvre pour faire échec à ce projet de loi de destruction de la Fonction publique.
La généralisation des PIAL inscrite dans la loi Blanquer, sans aucun bilan des expérimentations menées depuis à peine 6 mois, accompagne aussi la volonté de mettre fin à l’accompagnement individualisé des élèves à besoins particuliers : la mutualisation de l’accompagnement serait alors la norme, faisant fi des besoins réels des enfants. Personne n’est dupe et perçoit bien la volonté de contraindre les AESH à un métier toujours plus impossible, aux contraintes horaires toujours plus étendues. Et contrairement aux annonces fracassantes sur l’école inclusive, les moyens sont à nouveau en diminution comme en témoignent les documents de ce CTA : les créations d’AESH (seulement mutualisés par ailleurs) étant inférieures aux suppressions de contrats CUI. C’est donc une nouvelle fois, après la rentrée 2018, une baisse des possibilités d’accompagnement qui s’annonce. C’est intolérable.
La loi Blanquer créé aussi les « AED pré-professionnalisés » pour lesquels l’académie de Limoges est expérimentale pour la rentrée 2019. Il est tout à fait étonnant, en premier lieu, de constater qu’un dispositif n’ayant pas encore d’existence légale soit présenté aujourd’hui. C’est donc une nouvelle fois dans la précipitation la plus totale que le ministre prend des décisions, sans aucune concertation. La FSU est favorable aux pré-recrutement, mais pas à ces conditions. Tout d’abord, les contraintes qui vont peser sur le temps de présence dans un établissement ou une école, vont rendre extrêmement difficiles les études des candidats. Ensuite, il est bien évident que le ministre se paye là des moyens d’enseignement à bas coût. Cela est d’autant plus évident à l’étude des projets de réforme de la formation initiale des enseignants, qui contradiction dite en passant serait moins disciplinaire alors que la réforme du lycée élève les exigences. Le ministre prépare soigneusement la constitution d’un vivier de contractuels et la mise à temps plein devant élèves des lauréats de concours. Encore une fois, cela a le mérite de la cohérence, le DGESCO Blanquer n’avait-il pas supprimé la formation des enseignants stagiaires avec le succès que l’on sait. C’est sans doute la perspective d’économie de 25 000 postes qui guide son action, tant pis pour le système éducatif.
Le protocole d’évaluation des contractuels du second degré est enfin présenté à ce CTA, il est attendu depuis deux ans… La déception n’en est pas moins grande. Qui a pu avoir l’idée de confier l’évaluation pédagogique des enseignants contractuels aux chefs d’établissement ? Le protocole doit-être revu sur de nombreux points et ne peut être appliqué en l’état, un groupe de travail permettant d’en discuter semble indispensable avant d’aller plus loin. Par ailleurs, aucune CCP ne s’est encore tenue à ce jour, contrairement aux engagements contenus dans le protocole de gestion académique.
Les propositions de suppressions d’emplois d’AED, uniquement basées sur la lecture du barème, dont nous disons depuis toujours qu’il a ses limites, ne tiennent absolument pas compte de la réalité des établissements. Elles sont totalement infondées et ne peuvent être mises en œuvre sans dégâts majeurs dans le suivi des élèves.
Quant à la présentation indigente faite du PAF, nous espérons qu’elle est seulement l’introduction à une future réunion du Comité Académique des Formations, au cours duquel sa version détaillée sera discutée. Quoi qu’il en soit, la présentation de ce jour confirme l’évolution mortifère du PAF ces dernières années, le cantonnant à l’adaptation aux réformes institutionnelles et faisant fi des besoins de développement professionnel des personnels. Au moins est-ce en cohérence avec la volonté du ministre Blanquer de voir les enseignants exécuter les bonnes pratiques édictées par d’autres, c’est toutefois tout le contraire de ce qui fonde un enseignement de qualité.
Le ministre mène aussi au pas de charge et toujours sans aucune discussion, une réforme de l’orientation scolaire. Elle révèle une vision de l’orientation assujettie prioritairement aux besoins économiques locaux, ce qui va à l’encontre d’une vision émancipatrice d’une école luttant contre les freins et les déterminismes sociaux.
Enfin, l’augmentation du pouvoir d’achat des agents publics ne peut plus attendre. Elle doit passer par l’augmentation de la valeur du point d’indice et sa revalorisation. Le doublement des primes versées à toutes et tous les enseignants doit être immédiat avant leur intégration dans les traitements indiciaires. Une nouvelle amélioration des déroulés de carrières doit être aussi enclenchée. Il doit être mis fin à l’indigence des salaires des AESH soumis aux temps partiels imposés.
Sur l’ensemble de ces sujets, la Fédération FSU et ses syndicats restent fermement mobilisés y compris en recourant à des appels à la grève de nature exceptionnelle, qui sont à l’image de la gravité des attaques subies et de la surdité du gouvernement, qui porte ainsi la pleine et entière responsabilité des mobilisations passées et à venir.