7 novembre 2023

Action et actualités

Déclaration de la FSU au CSA du 6 novembre 2023

Madame la Rectrice,

Après deux semaines de congés scolaires, les personnels restent profondément choqués par l’assassinat terroriste de Dominique Bernard, trois ans après l’assassinat de Samuel Paty. La FSU salue leur mémoire.
L’émotion est vive car c’est le cœur de l’École publique et laïque qui est une nouvelle fois touché. C’est encore un professeur qui est assassiné parce qu’il faisait son métier, trois autres personnels sont gravement blessés. C’est l’École et ce qu’elle représente qui est attaquée, une École émancipatrice qui forme les jeunes et leur ouvre les horizons grâce à l’accès aux savoirs et au débat.
Si l’État doit prendre toutes les mesures pour assurer la protection des personnels et des élèves, l’École doit, avant tout, continuer à œuvrer pour que les jeunes puissent devenir des citoyennes conscientes et émancipées. Toute la société doit être soudée derrière l’École et la soutenir dans cet objectif.
Les instrumentalisations de toutes sortes, en premier lieu celles du ministre de l’Éducation, ne sont pas dignes de cette tragédie et sont très loin des enjeux qu’elle soulève. La FSU s’inquiète de ces dérives et de l’écart grandissant entre les priorités du ministre, sans cesse renouvelées comme pour saturer l’espace médiatique et servir son agenda politique, et celles des personnels qui aspirent à de la reconnaissance et à pouvoir faire leur travail, sereinement, dans de bonnes conditions. Que faut-il espérer pour que l’on en finisse avec les mensonges et les annonces tonitruantes dans notre ministère ?

Gabriel Attal annonce un budget de 3,9 milliards d’euros supplémentaires pour l’Éducation Nationale, soit une hausse de 6,5 %. Cette hausse serait « historique ».
Si les personnels de l’EN se réjouissent d’entrer ainsi dans l’histoire, ils n’en constatent cependant aucune répercussion significative sur leur bulletin de salaire et les 1,9 milliards d’euros de la partie « socle » à répartir entre eux ne leur permettront aucunement de rattraper le recul - accumulé par des années de gel du point d’indice et d’inflation - de leur pouvoir d’achat. 70 % d’entre eux perdent du pouvoir d’achat en ce mois d’octobre et ce sera le cas de tous en octobre 2024. C’est 3,6 milliards qui auraient été nécessaires pour augmenter de 10 % toutes les enseignantes. L’engagement de M. Emmanuel Macron n’a pas été tenu !
Nous demandons l’abrogation du Pacte qui vise à mettre en concurrence les enseignantes, à détruire leur statut, et à nier la spécificité de leurs qualifications professionnelles. Il met également en danger imminent le sport scolaire du 2d degré. Il ne consiste en rien en une revalorisation salariale mais augmente la charge de travail déjà très lourde. La FSU demande que le milliard prévu pour financer le pacte soit basculé sur les mesures « socle ».
Muni de tableaux Excel, balayant d’un revers de la main les rapports de France Stratégie, de l’OCDE ou de la Cour des Comptes qui dénoncent le creusement des inégalités à l’école, l’insuffisance des salaires des personnels et le gaspillage incontrôlé des aides de l’État à l’apprentissage, M. Attal, comme ses prédécesseurs avant lui, poursuit une politique qui vise une logique d’école libérale, à rebours des nécessités et qui n’est pas exempte de contradictions.
C’est ainsi que la baisse démographique justifierait la suppression de 2500 postes d’enseignants au budget 2024, plutôt que de permettre de meilleures conditions d’enseignement et un meilleur taux d’encadrement.
C’est ainsi que le SNU se voit attribuer un budget de 160 millions d’euros et que l’on annonce sa généralisation, et ce sur temps scolaire, alors même que ce dispositif ne rencontre une très faible adhésion auprès des jeunes et que selon M. Attal lui-même : « Pour élever le niveau, chaque jour compte et chaque cours compte ».
Comment parler d’attractivité alors qu’il devrait manquer 67 000 enseignants en 2030 si on ne fait rien selon France compétence ? Comment parler de renforcement de l’attractivité alors que la volonté de programmer la formation continue le soir, le mercredi après-midi (en contradiction avec le plan égalité académique), pendant les vacances scolaires, alourdit encore une charge de travail déjà très importante, reconnue par le ministère lui-même ? Comment rendre le métier d’enseignant plus « désirable », comme le revendique le ministre le 5 octobre, alors que les collègues sont sommées de justifier leur absence et sont menacées de sanctions s’ils ou elles ne se rendent pas à ces formations, tout simplement parce que le temps leur manque pour faire leur travail ? Comment créer des dynamiques pédagogiques alors que sorties, projets, sont dorénavant conditionnés à des remplacements de cours, à des modifications sauvages d’emploi du temps, génèrent des tensions inutiles pour toutes et tous ? L’objectif est-il de faire craquer le peu de confiance qui restait dans l’institution ?
Enfin, tout en proclamant dans tous les médias la « reconquête du mois de juin », M. Attal envoie en entreprise ce mois-là, pêle-mêle, les élèves de terminale bac pro et tous ceux de seconde, charge aux parents, aux enseignantes, et aux entreprises de gérer le flux.
C’est ainsi également que M. Attal confirme en CSA ministériel que les épreuves du bac pro auront lieu en mars, alors même qu’il n’aura fallu qu’une seule session du bac général à cette date pour que le Ministère se rende compte de l’inanité de ce calendrier dénoncé dès le début par la FSU.
Le ministre Attal prétend vouloir faire du bonheur des professeurs un objectif prioritaire de son action, il est loin d’en prendre le chemin, mais les trajectoires peuvent toujours être corrigées.

En lycée professionnel, la FSU constate que la priorité du gouvernement est de faire avancer coûte que coûte sa réforme, malgré l’opposition unanime de l’ensemble des syndicats des personnels.
Son objectif est de calquer le fonctionnement du LP sur celui du CFA, car son modèle pour la formation professionnelle est celui de l’apprentissage.
Les sommes consacrées aux lycées professionnels ne peuvent se comparer à celles que l’État déverse généreusement et sans contrôle aux formations privées.
En 2021, avec 800 000 contrats signés, le coût des aides aux employeurs d’apprenties s’élevait à plus de 5 milliards d’euros, à 80 % pour financer des formations privées.
Dans le même temps, la réforme du lycée professionnel prétend supprimer des cartes de formation des filières jugées peu insérantes, essentiellement dans le secteur tertiaire, c’est à dire là-même où se concentre l’essentiel des aides publiques au secteur privé de la formation.
Le gouvernement veut embourber la formation professionnelle dans une vision adéquationniste, qui n’a rien de nouveau et a déjà fait preuve de son inefficacité dans le passé.
Au lieu de former à un métier, la France formerait à des postes, suivant les besoins immédiats de ses différents bassins d’emplois et de ses entreprises, à grand coup de subventions.
Cette vision simpliste et dénuée d’ambition pour la jeunesse amènera fatalement une baisse du niveau global de qualification et à terme de la compétitivité du pays, tout en augmentant les dépenses publiques.

Pour la FSU, le rôle fondamental de la formation initiale sous statut scolaire est de permettre aux jeunes d’atteindre un niveau de qualification en développant chez eux l’autonomie et l’esprit critique. Elle doit leur permettre d’avoir une démarche réflexive sur leurs pratiques professionnelles et notamment un regard critique sur l’évolution de leur métier, de ses conditions d’exécution et plus globalement sur l’organisation de leur travail au sein de l’entreprise.
Ce temps de formation initiale des jeunes doit viser l’acquisition d’une culture commune qui fasse sens pour eux et leur permettre, par l’acquisition de savoirs, de comprendre le monde et d’évoluer dans une société apaisée. Cette formation ne doit pas les enfermer et doit leur permettre de changer de spécialité ou de voie au lycée si tel est leur choix. Elle doit pour tous ouvrir largement sur des poursuites d’étude dans le supérieur et y préparer.

Dans les collèges alors que les difficultés s’accumulent comment ne pas être inquiets des propos du ministre sur la baisse du niveau et la nécessité de resserrer les apprentissages autour des fondamentaux ou de ceux sur le port de l’uniforme à l’école ? Ces propos réactionnaires visent sans nul doute à flatter l’opinion mais sont complètement décalés par rapport à la réalité du terrain et aux besoins pour que le collège fonctionne mieux et conduise toutes les élèves à la réussite, en tout premier lieu en réduisant les effectifs dans les classes. Comment ne pas être inquiets aussi des propos du ministre sur l’instauration de groupes de niveaux en français et en mathématiques alors que la recherche a, de façon répétée, mis en avant les effets négatifs de tels dispositifs ? Ce projet est cohérent avec ce qui se met en place avec la réforme du collège qui instaure à bas bruit des parcours et des contenus différents pouvant préfigurer l’instauration d’un palier d’orientation en fin de cinquième. La FSU dénonce de telles orientations contraires aux besoins de formation de toutes les jeunes.

Dans les lycées, si le report des épreuves de spécialité en juin a été accueilli avec soulagement, bien des problèmes demeurent notamment ceux liés au refus d’alléger les programmes de spécialité qui empêchent de mener sereinement les apprentissages. Le calendrier tardif retenu pour les épreuves de bac pose de multiples problèmes : temps de correction réduit, notamment pour les enseignantess appelées à corriger plusieurs épreuves et à faire passer quasi simultanément des épreuves orales.
La FSU veut alerter sur la situation particulière de la série STMG, seule série technologique dont les effectifs augmentent. Cette série réunit des élèves souvent éloignées des attendus scolaires, parfois là par défaut : les accueillir dans des classes à 35 voire 36 est un non-sens. Il est impossible d’enseigner avec ce public dans ces conditions, vous devez le mesurer et apporter des réponses.

Dans le 1er degré, l’annonce de la programmation de la suppression de 1709 postes est choquante, alors même que sur le terrain, le manque de moyens se traduit concrètement, à commencer par celui du remplacement. L’autorisation de recrutement d’un nombre de contractuel.les toujours plus élevé d’une année sur l’autre (69 pour cette rentrée sur l’académie) et ce depuis 7 ans illustre pourtant l’insuffisance des moyens alloués. Plutôt que de supprimer des postes, il faut en créer.

Les RASED restent exsangues et rien n’est fait pour assurer leur reconstruction et leur développement sur l’ensemble du territoire. Pourtant, tant en matière de prévention que d’aide, les RASED sont un outil indispensable pour intervenir auprès des élèves en difficulté et leur offrir toutes les chances de réussite.

Les annonces ministérielles ne sont pas traduites en acte dans toutes les écoles : les moyens sont insuffisants, en effet on trouve encore de nombreuses classes de GS, CP ou CE1 à plus de 24 élèves par classe.

Enfin, dans le domaine de l’inclusion, les besoins sont bien réels et les moyens dédiés là aussi largement insuffisants pour permettre à chaque élève en situation de handicap d’être scolarisé dans les meilleures conditions.
Les AESH restent toujours en attente de reconnaissance à la hauteur de leur travail et de leur investissement. Certain.es attendent toujours leur CDI. Alors que des AESH sont en poste depuis plusieurs années, les nouveaux contrats sont, au mieux, de 24h quand ils ne sont pas de 19h35 ! Les AESH demandent à ce que leur temps de travail soit revu drastiquement à la hausse pour pouvoir mieux s’occuper des élèves suivis mais aussi pour pouvoir avoir les moyens de vivre dignement.
Des élèves, pourtant notifiés, restent sans AESH, ce qui est injuste et intolérable. Des AESH peuvent avoir jusqu’à 5 élèves à accompagner, avec des problématiques bien différentes de l’un à l’autre. L’urgence est au recrutement d’AESH à la hauteur des besoins et à la mise en place d’un statut de fonctionnaire de catégorie B afin de garantir la pérennité de leur engagement par des salaires corrects et dignes.

L’emploi du mot « choc » par le Ministre ne peut avoir été choisi au hasard. Déclassement salarial, loi Rilhac sur la direction d’école, Fin des cycles annoncée, manuel unique d’état prôné, retour à un examen d’entrée en 6e, fin des Inspe … Une série de « chocs » provoqués par le ministère qui éclaire la loi de transformation de la fonction publique sous le jour du néo libéralisme destructeur de l’Éducation nationale. La FSU revendique a contrario une école plus juste, émancipatrice et à la hauteur des enjeux de notre société.

Déclaration de la FSU au CSA du 6 novembre 2023